Mercredi 11 Avril - Jaipur, capitale des pierres fines, de l'argent et des cœurs d'or // Lalie

Une entrée en matière somme toute assez lyrique, mais méritée, pour cette ville qui représente bien le paradoxe indien : immondices et beauté juxtaposées, et comme bien souvent, passé le premier mouvement de recul qu’impose certains details peu ragouttant de cette ville, la beauté l’emporte haut la main.

Je saute des lignes pour Laurence.

Commençons par le transfert d’Udaipur vers Jaipur : plus de 10 heures de train, en sleepers là encore, mais vraiment sympas, passée une intense phase de psychose terrible. Je m’explique : notre train partait à neuf du soir pour arriver le lendemain matin, nous devions donc dormir dans des couchettes, j’avais la 9, georges la 11.

Seulement, une fois arrivés dans le train, y avait effectivement une couchette en hauteur, et en bas une banquette, avec au-dessus les chiffres 9, 10 et 11. Bref on comprends rien, on demande à un mec, il s’avère que georges a celle du haut et moi celle du bas. Hors, à qui est la place 10 ? dort-on à deux sur ma banquette ? georges monte à sa place, enlève ses chaussures – 20 morts d’après la police, 40 d’après les locaux – et s’installe pendant que deux mecs squattent MA banquette. Paranoia, délire de persecution : ils sont sur MA banquette ! Et là le mec à ma gauche entame la discussion. Nan mais d’où il me parle le mec sur MA banquette ?? Bref blablabla, oui je veux être teacher, oui pardon mon accent est à chier mais tu sais, le tiens aussi, etc…

Très sympa, très poli, mais merde, toujours sur MA banquette. Je me vois déjà passer la nuit recroquevillée sur mon bout de siege avec un indien ronfleur qui me bave sur l’épaule… Et là le miracle, il me dit « if you don’t mind i’d like to sleep now », ah mais je demande pas mieux, j’te fais un oreiller avec mon pull ou tu mets la tête sur mes genoux? Mais nan, mieux, il se lève et m’invite à me lever aussi, l’autre mec va sur sa banquette à lui, et mon squatteur, il prend le dossier, il le lève, et bam, baaaaam, BANQUETTE NUMERO 10!!!!!! Parce qu’en fait, il y avait 3 banquettes en hauteur… Vous pouvez rire, mais j’ai bien dû passer une heure et demi à ronchonner des phrases nominales à base de banquette en lançant des regards de biais à mes colocataires de siège.

S’en suit une nuit assez magique, la tête par la fenêtre, la fumée du train dessine des patterns brumeux devant la pleine lune mordorée, énorme, comme un phare, sur fond de montagne radjastanaise et de villages où les habitants ne dorment jamais.  Dit comme ca, ça fait cliché, mais avec l’iPod sur les oreilles et une bande son adéquate – Three Fish « Tremor Void » – c’était magique. Sauf la saloperie de puce qui s’est évertuée à me piquer au visage et sur les mains, fight à mort qui vit finalement ma victoire par abandon de la susnommée suceuse de sang. (applaudissons au passage l’alliteration en « s ».)

Arrivés à Jaipur après avoir traversé certains paysages jamais vus et inoubliables, le quai de la gare sent mauvais, et cette odeur ne quittera pas la grande artère bondée qui nous mène jusqu’à l’hôtel. Ce cheminement vaudra à Jaipur son premier surnom de « ville de la défécation« , mais il eut été dommage de s’arrêter à ça.

Hôtel sympa, prise de repère. Check. On est prêts à se lancer dans la ville rose, qui n’a de rose que le nom, et le logo des autobus. C’est en réalité un rouge brun très beau, les indiens sont très doués pour les pigments.

Première visite de la ville, on fait des markets au hasard, pas à l’aise, chaque rue qu’on traverse est un défis à la mort, le trafic et les klaxons incessants, bref on finit dans un restau à prendre des take away, en parlant avec un mec, dont l’histoire ne retiendra pas le nom, et qui nous propose de visiter sa factory de bijoux.

Le lendemain, première tentative de visite du city palace local. Tentative abortée par la re-rencontre du mec du restau, appelons le Patedeph, qui nous emmène un peu de force visiter ses factories où il nous montre très très fièrement des enfants de 8 ans en train de tailler des pierres. Moi, forcement, je fais un peu la gueule et fini par lâcher que leur place est à l’école – la tronche de Patedeph – qui nous assure qu’ils ne bossent que deux heures par jours et le reste du temps, c’est école. Ah bah ca alooooors, quel hasard, on est tombé pile au bon moment !

Pris en otage dans sa factory, il sort des monceaux de bijoux, persuadé sûrement qu’on va en acheter 14 containers, et nous tient la grappe jusqu’à la nuit tombée. Dans l’interval, deux bouteilles de Pepsi sont disposées devant nous, mais Patedeph poussera le sadisme jusqu’à attendre une heure avant de les déboucher, avec les dents. Pataugeant dans la mare de bave que j’ai créé en balbutiant « Pepsssiii Pepssssiiiii » (ai-je précisé qu’ici il fait entre 38 et 40 degrés?). Au final, on ressortira morts de faim, de soif, de fatigue, avec trois pierres et un collier – la gueule de Patedeph – que georges aura tenté de bargainer à mort – la guuuueuule de Patedeph – au tiers de leur valeur. J’ai cru une minute que notre hôte allait s’immoler par le feu, mais rassurez-vous, tout va bien, pas de barbecue au programme ce midi.

Troisième jours, deuxième tentative de visite du city palace. On a réussi cette fois à approcher à moins de 200 mètres de la porte lorsque nous somme tombé sur Vicky. Et là, l’aventure commence, mafia, diamant, sexe (ou pas) et narcotiques.

Vicky, étudiant en peinture, nous arrête sur le trottoir, exprimant son envie de parler avec nous pour travailler son anglais. Entre temps, vent de sable et tempête, une pluie moussonique s’abat sur Jaipur. On file donc boire un tchai avec Vicky, et on est vite rejoint par son prof de peinture. Questions habituelles : « on fait quoi dans la vie », « pourquoi on est ici », et quand georges évoque ses études, le prof sort son portable et nous dit qu’il a un ami qui travaille dans l’import/export. En moins de temps qu’il n’en faut pour écrire cette phrase, on se retrouve dans de minuscules rues sombres et dédaleuses, trempés de pluie, jusqu’à un escalier boiteux que l’on monte pour finalement déboucher sur des bureaux luxueux remplis de mecs avec 4 portables dernières générations par poche et chaussures en croco assorties au slip. Chose bizarre, Vicky et son prof ont disparus, et on se retrouve donc chez « l’ami« , qui nous invite dans son office, pierres précieuses en veux-tu en voilà, option Boy qui vient nous porter du thé et qui part en reculant et courbettant.

Bref, l’ami, grossiste en bijoux, et parlant un Français impecc’, locataire d’un appart à 3000 euros par mois dans le marais, mettra peu de temps à nous proposer une affaire en or, tout a fait légale, et qui ne va sûrement pas donner de sueurs froides à ma mere quand elle lira ca :

Rien de plus simple, l’ami nous demande tout simplement de faire passer à peu près 30 000 euros de bijoux, par personne, à la frontière. En tant que touristes, nous pourrions supposément transporter légalement pour 15 000 euros de bijoux en France. Sachant que si lui veut exporter les mêmes bijoux, il paye 250 % de taxes de douanes. Il cherche donc des mules, qu’il chargera de bijoux sous-évalués, pour en mettre plus, à qui il promet 10 500 euros en cash à Paris. Par personne. Le truc est simple, il fait des faux papiers attestants que nous, étudiants fauchés, avons achetés 15 000 euro de bijoux, on va ensemble au post office, on envoie le tout en poste le reste à Paris, et on va les chercher tous ensemble, un flingue sur la tempe, à Paris. À l’écouter, c’est clair comme de l’eau de roche, zéro risque pour nous, au contraire lui risque gros car comme les factures sont à nos noms, on peut decider de garder les bijoux et les écouler nous même – bien sûr, je me vois bien les vendre sur Ebay tiens! – Il s’emploit à nous montrer moultes preuves de sa bonne foi en produisant divers papiers qui à mes yeux ont zéro valeur pendant que son associé étale sur le bureau des carats et des carats de pleeeeeins de pièces d’orfèvreries qui brillent en hurlants « vazyyy, petite étudiante fauchée, transporte-nous, mets toi dans la meeeeeerde, c’est Midnight Express!!! ».

Un peu sonnés, on lui dit qu’on va réfléchir et qu’on le recontactera le lendemain. Comme son business est tout a fait légal, il refuse donc de nous donner sa carte et nous interdit d’en parler à qui que ce soit. Un de ses boy viendra nous prendre a notre hotel à 11H.

À peine sorti, on se rend compte de la gueule du binz, de la merde que ca peut engendrer, du surréalisme du truc… On se sent un peu acculé.

Le lendemain, georges part seul au RDV, pendant que je flippe ma race persuadée que des tueurs à gage à chemise fluo vont venir faire irruption dans la chambre pendant que je prends ma douche, et que la dernière scène du film serait du sang coulant dans le siphon, à la Psychose…

Je tente 11 positions de yoga et 14 mantras mais rien n’y fait, les chemises fluos rodent dans mon esprit.

Finalement, georges revient tout guilleret au bout d’une heure et demi. Il a été emmené dans un palace par l’étudiant en peinture qui etait évidement un rabatteur, qui lui a posé des questions sur le « djiggy djiggy » pendant une heure. georges a refusé l’offre et basta. Affaire classée : )

À part ça, on a fini par voir le city palace, on s’est fait plein d’amis, dont le serveur de notre resto internet qui est vraiment sympa, sauf quand on doit payer, ça lui file une sorte de tension inexplicable. Ce midi, le serveur (phonétiquement : Sanguetouche) s’amusait à tchatter avec un mec sur Yahoo Messenger en lui faisant croire qu’il était une nana, et m’a demandé de venir poser devant la webcam pour prouver qu’il était bien une nana, vous voyez le niveau ? on est pas dépaysé de ce côté-là, et on se marre bien avec eux !

Depuis hier, on traine avec un Français, Mika, qui nous a appris cet aprem à jouer au Texas Hold’em, mais les mecs ont vite voulu arrêter parce que je les ai plumé à sec deux fois de suite et que l’ego masculin refuse la suprématie de la femme au poker… Sur 4 parties complètes, jusqu’à écoulement des pions, je les ai plumés 3 fois, j’pense que bientôt on va miser des pierres précieuses, on est à Jaipur merde !

Cet aprem on était avec Giovanni et Mika dans une boutique de pierres precieuses de dingue où le mec te sort toutes les qualités de pierres devant nous, genre tu demande « ruby », il te montre du ruby pourrave jusqu’au truc qui vaut plus cher que mon iPod, pièce. Le mec, Giovanni, c’est un exportateur de pierres qui fait ça depuis 12 ans, et qui parle simultanément 3 langues : anglais / français / italien, c’est l’auberge espagnol à lui tout seul, mais c’est pas toujours évident à comprendre…

En tout cas, tous ces gens sont bien sympas, on a même du mal à partir de Jaipur, et pour cause, on arrête pas d’acheter des pierres et de faire fabriquer bagues, pendentifs etc… On se prend un peu pour des joailliers : tu choisis tes pierres, tu vas voir un silversmith, tu choisis tes designs, et le soir tu les as, et c’est vraiment du beau boulot, et ça revient beaucoup moins cher que d’acheter sur le Johari market, marché international des bijoux de Jaipur, je vous le rappelle, deuxième capitale mondiale des pierres fine et de l’argent.

Guettez notre retour è l’aéroport, on est pas difficile à repérer, on scintille comme des puff daddy…

À bientôt, et d’ici là,
ne faites rien que Buffy ne ferait pas.

Emilie

ps : desolée pour la longueur du mail, c’est le patron qui va être content…

Les photos de Lalie


Jaipur


Lundi 12 mars 2007 - 1 jour à Auroville

Je suis sûr que comme moi, un jour, quelque part, sans savoir trop où, vous avez déjà entendu parler de cette curieuse ville. C’est il y a un mois en discutant avec quelqu’un qui était passé à Pondicherry que les souvenirs me sont revenus, même si je n’en suis pas certain, je pense avoir lu dans un livre d’histoire, il y a très longtemps, quelque chose à propos de ce vieux rêve de soixante-huitard qui a quand même été, le 28 février 1968, inauguré par le président indien et des représentants de 124 pays différents.

Après 24 heures ici, je n’en sais pas beaucoup, mais je ne peux pas rester indifférent à cette vision quelque peu utopique, très largement controversée mais somme toute pleine de bon sens. J’ai trouvé sur mon chemin beaucoup de gens qui en parlaient, et peu de gens qui avaient pris la peine de comprendre ou d’étudier, je ne voulais pas faire parti de ceux là. Point barre.

Bien sûr, je ne pourrais pas en un jour sur place faire une présentation exhaustive, rappelons tout de même le principe. Auroville, sous la joute des principes de « the mother » est une cité en dehors de tout état, où le droit de propriété n’existe pas, où les citoyens du monde peuvent vivre en paix et en harmonie en dehors de toutes considérations politiques ou de nationalité. Constituée d’un tiers d’indiens et de deux tiers d’étrangers, les 1700 résidents, en l’échange d’un apport en industrie et d’une intégration sans faille des grands principes, peuvent se déclarer Auroviliens.

Cercle de 10 kilomètres carrés dessiné par l’architecte Roger Anger, dont le centre est Matrimandir, cette salle de prière un peu extravagante que je n’ai encore vu qu’en photo, sorte de Ferrero Rocher géant, la ville, comme une spirale, une nébuleuse certains osent, est divisée en quatre pôles : culturel, international, industriel et résidentiel.

Je vous passe la vision spirituelle à laquelle j’adhère assez peu et que je ne décrirais que très mal. Personnellement, je trouve qu’au delà de l’espèce de panneau défraîchis « peace and love » que les gens placardent sur cette ville sans même y avoir été est regrettable, et qu’un peu de paix, de collaboration et d’internationalisme ne nuiraient pas à notre fichu « liberé, égalité, fraternité »…

Et j’ai passé une super journée, bon il y a quelques formalités un peu pénibles pour les « guests ». Hier, je suis arrivé tard, en fait pas tant que ça mais j’ai commencé par être accosté un Israélien qui était dans mon bus, c’était son deuxième voyage ici, donc je le suis, toujours un peu paumé comme d’hab.. On visite deux trois accommodations, des huttes en bambou pour la plupart, avec juste un matelas à même le sol. Je commence à flipper pour tout dire, c’est con mais j’aime encore bien avoir un lit et de la lumière et une moustiquaire et que mes fringues tombent pas entre deux bambous, bref, j’ai pas encore les cheveux assez long encore une fois. On visite une dernière hutte, sympa celle là faut dire, toute ouverte, avec une « terrasse » et vu sur la mer.. L’israélien qui venait d’éplucher sa mangue au cutter, à qui j’était pas sûr de faire encore tout à fait confiance, me convainc de partager la chambre ce soir et de voir demain. On se fait monter une moustiquaire, je demande à voir une carte d’Auroville, on y était même pas, c’était genre banlieue, ou beach resort si vous préférez. D’un coup, je réalise que même le doux bruit de la mer ne me ferait pas changer d’avis, je veux aller la où ça se passe, au centre, ou peu importe, mais pas là. On se sert la main et j’me barre avec mes 15 kilos sur le dos, j’entame la marche. 3 ou 4 kilomètres après je fini par arrêter un rickshaw, j’suis décidément pas Roots comme on dit, et me fait emmener au visitor center qui fermait dans les 10 minutes. Anna, une galoise assez âgée me prend en charge, passe des coups de fils, attend un peu avec moi et essaye de m’indiquer un Guest House que je ne trouverai finalement jamais. Je repart à pied, dépasse et repasse dans les petits chemins, en perdant patience, demande un peu d’aide et me fait indiquer un autre endroit. J’arrive sans grand accueil et me fait finalement recevoir par Anton, qui m’explique qu’il a bien une chambre de libre mais que normalement il ne prend pas de gens dans la « communauté » moins de 8 jours et que quelqu’un arrive dans la semaine. Comme il est tard et qu’Anton est un bon gars (il ressemble à Flander dans les Simpson’s mais vous lui direz pas), un peu à contre cœur je dois dire, me lâche la chambre. Enfin la chambre, c’est plus un appart avec terrasse, salon, salle de bain et même un câble internet, pour 6 euros par jour (180e par mois donc).. Je suis aux anges. Cuisine commune, ce qui évite la cantine, nan vraiment le seul Hic c’est les WC turc, mais bon, c’est l’aventure lol..

Aujourd’hui je commence par les formalités après m’être séché au soleil sur la terrasse hehe, obtention de guest card et de quelques adresses pour louer l’indispensable mobilette à 1 euro, moins chère qu’un scoot ou une 125cc. Je pars donc avec fière allure faire deux trois courses pour le midi qui se décala progressivement vers les 15h. Et pour cause, sur la route je croise Jana, un prof que des « potes » avaient rapporté au bus la veille. On prend un café ou deux, je ne manque pas de lui communiquer mes recherches d’opportunités et il m’invite à un cours cet après midi. Le temps que je tente tant bien que mal de remonter le moral de mon pom’ et de son petit coup de blouze, que je me fasse une salade à la maison et rencontre un peu ma ‘communauté ». J’arrive donc un peu en retard au rendez-vous. Mais Jana est là avec d’autres, qui m’expliquent que c’est une introduction à son cours de Yoga, difficile de se faire excuser maintenant, alors nous voilà partis dans les petits chemins tortueux menants à la forêt. On stoppe dans un coin, marche un peu et se retrouve devant un Banian immense, limite aménagé pour les cours de Yoga. (le banian, c’est ce grand arbre qui se replante lui-même en faisant des racines à partir des branches qui tombées vers le sol)

En plein milieu de session, où j’avais déjà complètement décroché, le portable du Yogi se met à sonner comme un crissement de vinyle qui saute, sacrée rupture, on en rigole un peu.

Ayant déjà pris quelques cours, je pense pas que Jana soit un très bon Yogi, déjà parce qu’il chante faux, qu’il porte des fausses lunettes de soleil Oakley transparentes et qu’il m’expliquera qu’il a pas encore de certif. Mais y’a pas à dire, c’est un mec sympa, et moi je m’en fiche qu’il se paye sur les jeunes de passage en distribuant ses pseudos cours de Yoga. Du coup on rentre ensemble et je l’aide à créer son site pendant pas mal de temps. Temps pendant lequel j’en profite pour checker le mec du cyber qui m’autorise à organiser une session « internet » le lendemain et me dit qu’il serait quasi partant pour cette histoire de site web auquel je crois tant..

Demain je visite un peu plus pour continuer de forger mon opinion mais ce dont je suis persuadé à ce stade, c’est que l’endroit est tout bonnement magnifique, faune et flore confondus, un doux mélange du Luberon et de la Guadeloupe, et que les gens, même les indiens sont ouverts, et pas du tout barrés comme j’aurais eu tendance à l’imaginer.

C’est Auroville pas Hérouville hein.


Samedi 10 mars 2007 - Pondi chérie !

Arrivée à Madras alias Chennai depuis 97 vers 2h du mat’, encore une ville dont le nom considéré pas assez Indien a été changé dans les années 90. Je partage un rickshaw avec un étudiant en médecine de Bangalore qui venait de passer une semaine à Houston où peut-être il avait croisé David (alias Fresh) qui y était à ce moment.

Difficile de trouver un hôtel à cette heure dans le chaos de Madras, heureusement le driver est un chouette bonhomme et il me fait visiter hôtel après hôtel sans broncher. Notre rickshaw fuse à travers les rues faussement calmes de la ville, où beaucoup dorment sur les trottoirs, quelques vaches paressent, tandis qu’à quelques pas, les chiens et les rats s’activent, sortes d’éboueurs nocturnes qui feront parmi les immondices le tri entre quelques nourritures et ce qui sera brûlé quand l’accumulation sera suffisante.

Alors que l’heure tourne, je décide finalement de retourner à l’hôtel Comfort, cher, 420 roupies, mais raisonnablement propre si l’on soustrait l’odeur indéfinissable qui émane du matelas. Tant pis pour cette nuit, demain il fera jour.

Le plan du quartier vaguement en tête, j’entame une petite visite matinale dans la ville décrite comme « Bombay sans charme » dans mon guide. En effet, au saut du lit, la ville me faisait l’impression d’un curieux mélange entre une fête foraine et les 24 heures du Mans. Sur ma route un Sri Lankais édenté me raconte l’atrocité de la guerre dans son pays où ils brainwashent les enfants avant de leur mettre un fusil dans les mains. C’est un prof, exilé politique qui a fuit son camp de Madurai pour venir chercher du travail à Chennai. Il me décrit la corruption Indienne qui fait que celui qui obtient le job, c’est celui qui offre le plus gros bakchich au recruteur. Il m’explique qu’il veut rentrer jusqu’à son camp mais qu’il n’a plus un rond. Je lui donne quelques pièces et continue ma route, un peu dépité.

Comme prévu j’arrive à ce qui été décrit dans mon guide comme un rond point. C’est plutôt un « triangle point » de la taille d’un terrain de foot, où des dizaines de vélos, pousse-pousses, rickshaws, voitures, camions, bus se klaxonnent, se roulent littéralement les uns sur les autres dans un bordel monstre ahurissant.

Je renonce à traverser la rue, le flow chaotique, renonce à visiter Fort St George, du moins à pied.

Après m’être perdu pendant une bonne heure dans les ramifications de Triplicane, je retrouve enfin ma chambre, mon bouquet garnis, me pose deux minutes, fait mon sac et file à 10 bornes de là, au Mofussil Bus Terminus, la plus grande station de bus de toute l’Asie, comparable à un aéroport, où un bus part toutes les 10 minutes pour Pondicherry.

Quatre heures de courses, juste assez pour regarder un film qui allie le chant et la danse avec le comique, l’action, les sentiments, une fille, un héros et un vilain moustachu comme tous les films de Bollywood. Personnellement, formaté à l’occidental, j’ai décroché au bout de deux heures…

Et voilà, déjà 4 nuits et 3 jours à Pondicherry et ça donne presque envie de s’y installer, ex-colonie, l’influence de la France est ici encore palpable. Gérard de Montmartre tient d’ailleurs l’hôtel où je me trouve. En lui parlant de mes projets, il m’indique un de ses amis, Patrick, menuisier qui peine à s’exporter et que je décide de rencontrer le lendemain.

Je toc à la lourde porte de Easychair, une femme ne parlant ni Anglais ni Français me fait signe d’attendre. Patrick Lafourcade, la soixantaine, barbe et cheveux aussi blancs que démesurés, n’est pas avare sur les détails de sa vie et de son travail, du très beau mobilier en bois exotique fait main, plus cher qu’Ikea mais indiscutablement plus solide. On parle prix, transport, délais, clientèle, capacité de production. Peut-être y a-t-il quelque chose à faire, je ne sais pas, Boris mon beau père antiquaire semble en douter, je vais chercher ailleurs…

Depuis quelques jours me taraude l’idée d’aller faire un petit séjour à Auroville, cité utopique, non loin de Pondi. J’me dis que je n’aurais surement pas d’autres occasions de me forger ma propre opinion sur cette curieuse ville largement controversée. En plus mon proprio me dit que la ville est très productive et dynamique à l’export. A voir donc..


Vendredi 9 Mars 2007 - Mission Zéolithes : aborted

[edit 2022 : Pour remettre dans le contexte, un des mes projets en allant en Inde était de prospecter pour une entreprise dans le retraitement de l'eau. Nous étions sûrs qu'il y avait sur place des mines de Zéolithe, mais il était important pour l'utilisation de celle-ci, qu'elle soit de type chabasite.. ]

 

From :        georges

To :           claus@hedegaard.com

Date :        Mar 1, 2007 3:16 PM

Subject :    Information on Zeolithes

 

Good evening,

I am sorry to bother you but you seem to be a fine expert in minerals. I have read on your website that some Zeolithe quarries were located on the Deccan Plateau east of Bombay.
Have you ever been there?
I am prospecting India to find Zeolithe of Chabazite type only, do you think I could find some in Pune Area?
If not, where in India? or near..

I understand you must have a lot of questions to answer but I am really lost here, and I don't want to trip thousand of miles if someone like you can assure me it is hopeless.

I hope you could answer me whatsoever.

I am looking forward to hearing from you soon.

Yours sincerely,

georges langear

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From :       Claus Hedegaard

To :            georges

Date :        Mar 5, 2007 4:45 AM

Subject :    RE : Information on Zeolithes

 

Dear friend,

Thank you very much for your mail.


> on the Deccan Plateau east of Bombay.
> Have you ever been there ?

Yes, I visited Pune & many quarries in the area some years ago.

> I am prospecting India to find Zeolithe of Chabazite type only, do you
> think I could find some in Pune Area ?

Chabazite (s.s. & s.l.) is relatively rare in the Deccan Plateau,
contrary to the N. Atlantic, where it is extremely common.
My own collection (13,000+ records) has no entries of Indian
Chabazite
/Gmelinite and the most likely references in my library (viz,
Brown, J. Coggin & A.K. Dey. 1955. India’s mineral wealth, 3rd ed. and
Wadia, Meher D.N. 2000 (1994). Minerals of India, 5th ed., 3rd
printing) do not refer to any deposits.  Did you check the fairly
recent publication in Mineralogical Record on Indian Zeolites or
Tschernich, Rudy W. 1992. Zeolites of the world?  I have not checked
these ressources!

> I understand you must have a lot of questions to answer but I am
> really lost here, and I don't want to trip thousand of miles if
> someone like you can assure me it is hopeless.

I can not assure you it is hopeless, merely difficult!  I believe I
have seen 'Chabazite' from the Deccan once but it is very rare, I am
sure.  I have seen literally tons of zeolites and never seen any
Chabazite.
  However, if you ever wish to turn to the Færøerne or N.
Ireland, i can assure you of abundant 'Chabazite' in 9 of 10 deposits!
And I will be delighted to supply you with localities.

All the best

Claus

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mission: aborted. 


Lundi 5 Mars 2007 - High in Da Sky

Vous le croirez ou non, au moment où je tape ces quelques lignes j'me trouve en pleine ascension aérienne, à décompresser régulièrement pour pouvoir continuer d'écouter les Fat Freddy's Drop dans mes oreilles en pleines dépression. J'ai remis un jean, ça fait bizarre, ça faisait plus d'un mois que j'en avais pas porté un. Mais non j'me balladais pas non plus en slip, qu'est ce que vous allez imaginer. Bref, j'ai remis mon pull aussi, je suis content de pas mettre débarrassé de mon sweat Leclerc noir à 6 euros, parce que l'air conditionné hein..

En voilà un post intéressant dites moi..

Nan plus sérieusement, je suis arrivé à l'aéroport de Cochin vers 16h en avance puisque sans billet pour mon vol de 19h40.. J'avais prévu large, sans compter le retard, il est 22h40, mon avion décolle.. On dois arriver d'ici 1h30 à Chennai (Madras), plus le débarquement et tout le tintouin.. L'aéroport est à vingt bornes de la ville et je sais pas si je vais trouver un hôtel à cette heure-là.. On verra hein..

Bon ben voilà, live from the air, fasten your seat belt !

Message perso pour papa
Papa, un livre assez marrant que je suis en train de lire vient de résoudre l'éternel dilemme. Le drame de ta vie. Pourquoi les gâteaux deviennent mous et le pain dur ! Tu vas pouvoir enfin dormir la nuit. Quoique le réponse ne présente pas vraiment de solution. Le p'tit gâteau contient beaucoup de sucre et de sel, très hygroscopique à ce qui parait (même si je n'ai aucune idée de ce que cela veut dire), en gros le biscuit suce l'humidité de l'atmosphère, de plus, sa structure dense maintient cette humidité par effet de capillarité. La baguette, elle, contient peu de sucre et de sel et a une structure très ouverte qui par le fait, ne retient pas l'eau.


Samedi 4 Mars 2007 - Owl to the Moon

Samedi soir, claire nuit noire en ce soir de pleine lune. Le grésillement du ventilo au dessus de la moustiquaire est couvert par le hurlement des chiens qui festoient. Chaque fois que je regarde à un endroit du filet qui m’englobe et me protège, encore une autre chercheuse de sang vient de se poser, trompe toute devant, prête à tout pour prélever la goutte de sang qui lui permettra de pondre ses œufs et donner naissance à d’autres encore et encore.

Je sais que le sommeil ne viendra pas ce soir, une fois encore, muscle tendus, cœur battant, esprit embrouillé et œil vide, de droite à gauche, incontrôlablement, trop de pensées trépident.

Et la nuit qui n’en fini pas de s’étendre, ses bruits et sa noirceur ajoute un peu plus de confusion à mes entreprises et mes peurs.

De haut en bas, l’humeur saute, plonge, touche le fond, rebondi, reprend espoir, sort le tête de l’eau, émerge un moment pour replonger à nouveau.

Quelle belle et curieuse chose que la vie, drôle de tableau, où toutes les couleurs, tous les sentiments, de l’amour à la haine, à la joie, à la peine, de l’espoir au dépit il n’y a qu’une nuance, mais tout est mélangé sur cette toile immense.

Certains me demandent ce que je fout ici, ben j’écris des choses dénuées de sens, je découvre ce pays somme toute très surprenant, je fais des rencontres et m’amuse de temps en temps, j’essaye de faire avancer mes prospections et mes projets persos qui, à force de s’additionner et se diviser perdent même auprès de mes proches, toute cohérence.

Je pense tenir une bonne idée (comme d’hab tu me diras mon pom’) une de plus qui ne s’achèvera pas, qui ne pointera même pas le bout de son nez d’ailleurs, faute d’expérience et de moyens.

J’ai l’impression de rentrer en France demain, alors il est grand temps que j’m’installe un réacteur a***. De toute façon, mon allergie est quasi passée, je book mon flight aujourd’hui, je bifurque à Chennai pour rejoindre le fameux Pondicherry ou qui sait, les rencontres seront bonnes et fructueuses.

Demain matin je vais prendre des photos chez Desmond, un peintre un peu allumé du coin, ami de mes collocs qui m’ont demandé de lui bidouille un site pour qu’il expose ses toiles. Je leur dois bien ça..

Bonne nuit.


Jeudi 1er Mars 2007 - Fou d'allergie

J’avais demandé les horaires de train à l’office du centre, je speed pour être à l’heure, je demande même au rickshaw driver de mettre la gomme, en fait le train était pas avant un bonne heure et demi.. En même temps, le site des horaires de train est tellement mal foutu qu’on se demande s’il ne collecte pas des idées pour le rendre encore pire ! (j’vous défi de trouver les horaires du Cochin / Varkala, aucune chance…)

Donc je stoppe deux heures et demi plus tard à Ernakulam, pour rejoindre le bateau pour Fort Cochin. Curieux nom d’ailleurs, ça n’a rien d’un fort, pas de remparts, pas de tourelles avec des meurtrières, rien ! Moi qui m’imaginais un énorme château, j’étais un peu surpris. J’me trouve un hôtel clean à 300 rupees et commence à me balader… J’tombe sur un groupe de jeunes un peu dans le même voyage, d’un peu partout avec qui on décide d’aller se faire un resto, et il me raconte qu’ils s’étaient tous rencontrés un peu avant et qu’ils descendaient se faire les backwaters le lendemain.

Le lendemain donc, j’entends un mec qui m’appelle. Pas le « hey brother, my friend ! » habituel du mec du resto du coin qui essaye de t’alpaguer pour manger des calamars avariés et finir avec 250 boutons sur chaque pied et des démangeaisons infernales. Nan mais la voix me disait vaguement quelque chose, et le fait qu’il sache mon nom aussi, un détail… Je tourne donc les talons dans une humeur pas coiffée, pas caféinée, et j’tombe sur Yorgis, un hollandais du groupe de la veille qui n’était visiblement pas parti aux backwaters, puisqu’il était entrain de trôner au milieu de réflecteurs, projecteurs, caméras et autres accessoiristes multivitaminés. On commence à discuter et il me raconte que c’est la deuxième fois que ça lui arrive, à Bombay déjà, il en était à sa deuxième pub, deux histoires différentes, mais qui commencèrent toutes les deux au hasard des rues.

Lunch time, la production a mis le paquet sur la bouffe, on se prend une table en attendant que le tournage reprenne. Une pub de chemises donc, un beau couple de toubabs se rencontrent sur la plage, il la revoit pour lui offrir des fleurs, scénario béton, mais il me raconte que la scène avait été tournée péniblement, puisque qu’il ne parlait pas un mot de Malayalam et que les mouvements de lèvres devait paraître probant. Yoris touche 5000 rupees, soit un peu moins de 100 euros, pour l’anecdote…

La scène des fleurs se tourne au milieu des badauds avec une anglaise intimidée, pas sure de son coup. Le producteur me prend à part pour me raconter sa vie en me partageant une bière, j’attends qu’il me propose, de justesse, on aborde le sujet mais nan : j’ai les cheveux trop courts, il aurait bien un p’tit truc de figuration pour me faire plaisir, mais voilà.. t’as p’t’être raison ‘pa, j’devrais p’t’être me laisser pousser la crinière, et jouer dans des pubs de shampooing à Bollywood..

Au retour de mon saut sur l’internet à dynamo du coin, pas très loin de celui de l’après midi, un autre tournage se tournoit, se tournasse, enfin se tourne quoi.. Yorgis est toujours en place pour profiter de la bouffe et boissons de la prod, moi je prends la confiance aussi, je fais la bise au producteur (bon ça c’est pas vrai), en tout cas je monte, me coulisser dans les.. Essaye de ne pas faire de bruit pour faire genre : « je suis au courant, wink », mais faut avouer c’est très pénible le cinéma, les gens attentent en soupirant, l’actrice, semble ravie de se retrouver dans les bras d’une sorte de Jésus très poilu en perfecto et manches à franges, elle me raconte un peu l’histoire avec cet accent français que, je pense, tous les francophones peinent à perdre, enfin je dis peut être ça pour me rassurer, bref.. Elle habite ici avec sa sœur, mariée avec un pécheur Indien souvent absent. Toutes les deux élèvent une petite dans un homestay pas trop cher, avec cuisine et petit personnel. Elle me raconte qu’elle reste chez sa sœur en attendant de se marier.

On décide d’aller manger avec des gens du studio, sur la place du marché au poisson, près des fameux chinese nets sur le bord extérieur du fort, comme tous les touristes quoi.

Au fur et a mesure que la soirée avance, j’sent quand même un truc chelou sous la sangle de mes tongs en plastoque, un léger grattement qui se répand rapidement aux deux pieds en entier, je regarde sous la table en fin de soirée, horrible, la calculatrice de Bill Gates en rouge sang sur l’intégralité du pied. Bon là je réalise, y’a un truc louche avec mes pieds, j’sens comme une fatigue monter, d’façon c’est la fin de soirée, j’rentre à mon hôtel, ça ira mieux demain.. Et là c’est comme s’il n’y avait pas eu de demain, j’pense avoir dormi une bonne partie de la journée, j’pense que mon corps essayait de se défendre contre le truc en question, mais sans eau, sans bouffe, ça n’a pas aidé.. j’me lève quand même le soir pour aller prendre conseil au studio, je tombe sur l’actrice de la veille, la française, qui me coach un peu, me dit que y’a de la place à son homestay, que c’est cheap et pas loin d’un médecin que sa soeur connait, donc je bouge là-bas, feelin’ really bad, les boutons s’étaient répandus sur les jambes et les mains, ça pouvait passer dans la nuit, ou pas..

Première heure le matin d’après, on file chez le « médecin ».. enfin médecin : Ayurvedic, elle me matte le pied, allez, 3 secondes et demi et me prend le pouls à la main bien 5 minutes, me demande si j’avais pas mangé des crevettes ou un truc comme ça, qu’est ce que je peux dire ? ben si, on a mangé que ça les derniers jours.. J’suis partagé : d’un côté, bon, elle a deviné en deux secondes ce que j’avais mangé l’avant veille, de l’autre, qu’est ce qu’un blanc bec comme moi mange à Fort Cochin a part des fruits de mer ?

Bon bref, elle me prescrit de l’huile à étaler sur le corps pendant deux heures tous les jours, hyper pratique, j’ai salopé la moitié des draps de l’hôtel… Une poudre pour retirer l’huile, des gélules aux plantes et un sirop qui a goût de Nuoc-mâm ignoble…

En tout cas j’me ménage et j’essaye d’attendre que ça parte complètement avant de reprendre mon chemin… J’ai encore les phalanges toutes rouges et urticantes, demain ou après-demain ça devrait être parti…

ps : message perso, ne t’inquiète pas Mamie TOUT va bien à présent !


Vendredi 23 Février 2007 - Boules et bonhommes de neige

Par où commencer ? il s’est passé tellement de choses depuis la dernière fois. Ce qui est sûr c’est que je regrette pas du tout, malgré mes appréhensions, mon séjour au Vijnana Kala Vedi Center, super expérience, même si je dois l’avouer mes performances en wood carving et en tabla furent plus que médiocres, il faut le dire en cuisine je mettais grave le teacher à l’amende ! Bon en fait pour cuisiner façon Kerala, tu fais revenir oignons/ginger/garlic et tu ajoutes pretty much n’importe quoi, sans oublier la noix de coco, qu’est un peu l’équivalent de notre pomme de terre à nous. J’ai noté deux trois recettes qui valent la peine Chapati, Rasam et Naan, j’les mettrai dans un autre post…

Pour ce qui est de l’hindi, ben j’ai des bonnes bases en lecture et écriture puis maintenant il faut pratiquer, ce qui est difficile dans cette partie de l’Inde où le Malayalam est la langue officielle. Il y a 22 langues officielles en Inde et moult officieuses, quel bordel !

J’étais super admiratif de ma prof d’Hindi, pour plein de raisons : déjà elle s’était mis dans les poches un Phd (doctorat), ce qui est plutôt rare pour une femme en Inde, elle s’était mariée d’amour, oui d’amour, ça peu paraître normal pour nous, mais c’est pas trop la norme ici, et par dessus le marché avec un mec d’une caste supérieure à la sienne, ce qui assure son paquet de cahuettes ! Shubha, Shubha Ji, on dit « Ji » quand on respect la personne, « Sri » quand on la respecte plus que Ravi Shankar, bref…

Vous savez comment on dit Georges en Hindi ? Ben on dit Georges, mais on l’écris pas pareil.. ils appellent ça de la translittération, c’est très utilisé ici, l’hymne national par exemple, ben c’est une sorte de charabia que personne comprend, et ils l’écrivent comme ils le peuvent mais au moins ils disent tous la même chose, avec notre alphabet ça donne :

« Jana Gana Mana Adhinayaka Jaya He
Bharat Bhagya Vidhata
Punjab Sindh Gujarat Maratha
Dravida Utkala Banga
Vindhya Himachal Yamuna Ganga
Ucchala Jaladhi Taranga
Tubh Shubha Name Jage
Tubh Shubha Ashisha Mange
Gahe Tubh Jaya Gata
Jan Gan Mangaldayak Jay He
Bharat Bhagya Vidhata
Jaye He ! Jaye He ! Jaye He !
Jaye,Jaye,Jaye,Jaye He « 

..Faut bien que tout le monde chante la même chose, tant pis si ça ne veut rien dire hein..

Donc voila pour le centre, pleins de belles rencontres: William, un vieux Scottish qui parlait au compte goutte, Cilica, yogi orthophoniste canadienne qui business sur le web, Ami, américaine, ex-associée de Pierre Lescure, virée en même temps que lui, reconvertie dans la traduction au cinéma, un couple d’acteurs Colombiens.. Y’avait vraiment des gens intéressants et des bons moments à partager.. La patronne par contre, une Française qui avait créé le centre ya une trentaines d’années, complètement flinguée du goulot, parlait à son staff comme à des boites de Canigou et venait se la raconter sur la spiritualité de l’Inde… Elle était à vomir..

Le dernier week-end, ou le week-end dernier, ça fait pas grande différence, on s’est loué un HouseBoat pour se faire les backwaters, cette espèce de lac gigantesque.. Départ tôt le matin, 9 dans le taxi, quasi 2 heures de 4×4, 2 éléphants croisés sur le bord de la route, 28 accidents évités, grâce à notre photo de Vishnou sur le tableau de bord…

Arrivée sur le boat, moi qui m’attendais à une sorte de Zodiak aménagé avec des bouteilles en plastiques, truc énorme, un espèce d’hôtel de luxe sur l’eau, tout confort, 20 mètres de long, chambres avec A/C, mosquito nets, cuisine, tout en bois et bamboo, le toit couvert de paille, juste magnifique…

Arrivés donc, on nous sert une noix de coco avec une paille dedans, dans lesquelles on ajoute un tiny soupçon de vodka, long soupir en s’allongeant sur la banquette, regardant l’horizon, cocotiers et petits bateaux de pêcheurs, une infinité d’eau calme, placides, on se demande comment on pourrait être mieux, un peu de musique, Fat Freddys Drop dans les oreilles, et nous voila partis pour notre journée à travers les backwat’, juste magnifique…

Et la bouffe, arf, ça faisait 3 semaines qu’on bouffait que végétarien, poisson le midi, chicken le soir.. Que du bonheur… un p’tit plongeon dans l’eau tiède à la tombée de la nuit, j’aimerais que mon pom’ soit là ici maintenant, elle arrive dans 27 jours, i just can’ wait…


Vendredi 9 Février 2007 - Grasse mat' à Aranmula

Grasse mat’ donc .. Premiers signes d’activité vers 4h du mat’, ghettoblaster à donf en provenance du temple, vu qu’il y a plusieurs centaines de divinités dans la religion Hindouiste, c’est tous les jours Noël. Notons par ailleurs que pour les indiens, Jésus est un dieu, un de plus ou un de moins vous me direz.. 4h donc, ante medium hein, ça chante et ça répète inlassablement le même refrain, la même prière, comme un vieux 45 tours rayé jusqu’à épuisement du chanteur nictaphone.

5h : les oiseaux et les coqs, une seule sorte de coq, le gripaviaireux, deux sortes d’oiseaux, le Jouissus Colibrius et le Clacus Corbus, équivalents urbains du couple débauché de l’étage d’haut dessus et du voisin bricoleur de l’appart d’à côté..

Enfin 6h, les klaxonnes, les oiseaux, la musique, tout ce petit monde s’adonne à cœur joie dans ce petit bœuf matinal…

Vous l’aurez compris, pas de grasse mat’ donc, à 7h30 : yoga, tout le monde s’affaire vers la hutte, choppe son « mat » qui pue le yak et s’agenouille « prayer position » pour écouter le yogi chanter calmement ce début de journée.

Au fur et à mesure des asanas et des sessions, on s’attache à ce petit rituel qui, il faut bien l’avouer, détend son monde. Shawahasana, « relax session », quand le soleil déverse ses premiers rayons à travers la faune tropicale, palmiers et bananiers, ça a quand même de la gueule.

Petit dej’ frugal avec la quinzaine d’autres étudiants en ce moment au Vijnana Kala Vedi Center, l’anglais est représenté sous tous ses accents autour de la table.

Deux enseignements au choix parmi le très prisé Kathakali, la danse traditionnelle du Kerala, make-up, mural painting, langues etc… Pour moi c’est deux heures d’Hindi en face à face tous les jours et une heure de découverte : Wood carving la semaine dernière, voir photos de mon « wood-holding-watching-carving » éléphant, tabla cette semaine et cooking la semaine prochaine, j’ai hâte de voir comment les gens cuisinent dans un pays civilisé, c’est a dire SANS (evil) FOUR [private joke]…

À chaque premier cours avec un nouveau professeur, l’étudiant se dois d’apporter le Dakshina, a betel leaf, an areca nut and a one rupee coin. Il doit être offert les deux mains jointes, et est reçu cérémonieusement par le professeur.

J’ai essayé une fois, pas deux, ce qu’en faisaient les gurus. Ils enroulent des graines d’areca nut dans la feuille avec un peu de poudre assez caustique, mâchonne un peu, garde assez longtemps dans la bouche et recrache le mélange rougeâtre et amer. C’est censé avoir le même effet qu’une grosse gitane maïs. Personnellement, à part la langue rouge sang et un goût assez acre dans la bouche, je n’ai pas eu plus de plaisir que ça, sans aucun dédain, c’est quand même une autre culture.

Je lisais le journal ce matin, une indienne étudiant en France répondait aux questions du journaliste, it went:

« – What thing foxed you the most while you were in France ? »

« – Fish is considered a vegetarian dish ! »

Is it ?

Ici, en tout cas pas de poisson aux repas, 100 % veg. On s’y fait, parfois des carrés de tofu pourraient passer pour du blanc de poulet et certains morceaux de choux fleurs poêlés pour de la crevette… Ou peut être c’est mon cerveau reptilien qui me joue des tours, je ne sais pas…

Parfois je rêve qu’ils me foutent des protéines, des vraies, sur cette foutue feuille de bananier, mais une petite voix me dit : « mec, si tu voulais un kebab-frites, t’avais qu’à descendre la rue, pas besoin de faire 8000 bornes ! »

Nan, on nous sert de la super bouffe, assez variée et bouffer avec les doigts, c’est ce que je préfère…

C’est déjà le week end, je pense rester au centre pour bosser mes traductions et chill out sur le toit.. Alors que les journées sont bien remplies, les soirées sont parfois un peu longues, alors je bouquine et je vous écris, comme ça vient…


Jeudi 1er Fevrier 2007 - Vijnana Kala Vedi Center

..et voila, Varkala, basta, et vissa à Aranmula..

Bon, il faut l’avouer c’était pas « l’aventure » là-bas, ambiance plage, bouquins et petits restos.. M’enfin j’ai quand même vu des indiens en slips, j’ai donné une blatte à bouffer à l’araignée de ma salle de bain :

j’ai vu un homme-singe grimper à des cocotiers ras-la-falaise pour éviter que les noix de coco tombe sur les gens (Oui c’est un fléau ici), j’ai vu un mec faire du yoga la plage la tête enfoncée dans le sable les pieds en l’air pendant 10 minutes et un serpent m’a allègrement mordu le pied : « ho ! small one, not poisonous.. » m’a-t-on dit.

Le jour du départ, il faisait gris, je savais pas que ça existait en Inde, mais c’était juste parfais pour continuer le voyage.. je traverse la plage pour la dernière fois, chope un rickshaw jusqu’à la gare et prend l’express Bangalore qui me mènera d’ici deux heures à 50 bornes d’ici : destination Chengannur.

Aranmula, là où se situe le Vijnana Kala Vedi center, est un petit village à quelques kilomètres de Changannur, donc re-rickshaw, petite appréhension avant l’arrivée au centre où je pense rester d’abord une semaine, et étendre ensuite si le coeur m’en dit…

> Le site du Vijnana Kala Vedi Center : vijnanakalavedi.org

Aussitôt arrivé, aussitôt pris en charge, remplissage de papiers, explication sur le fonctionnement du centre, choix de sujets d’étude, parmis d’autres je choisi Hindi comme premiere matière et Wood carving comme seconde… allez savoir pourquoi.. disons que j’étais moins tenté par le katakali, le maquillage ou la peinture murale.. On est samedi, il n’y a pas de cours le week-end, mais demain est un jour très spécial, le frère d’un copain, de la cousine de quelqu’un qui travaillait ici se marie demain.. Tout le centre est donc convié, moi inclus…

Nous voilà donc le dimanche embarqués dans le bus départ 8h30 plus une heure de retard de rigueur, au bout de 100 mètres le bus s’arrête, tous les indiens sortent du bus en courant, on avait juste renversé une petite vieille.. rien de grave quoi, elle allait bien.. nous voilà repartis..

Arrivée deux heures or so plus tard, pour vivre un mariage indien, magique, not so magic though.. Bêtement j’imaginais ça comme un mariage à l’occidentale, de la musique, la famille et les amis etc.. Que nenni.. On arrive dans une sorte de salle des fêtes où un bon millier de personnes assistent à l’union des deux personnes au fond fond de la salle, des inconnus pour la plupart des convives j’imagine ; la cérémonie se déroule en 8 minutes : échange de cadeaux, signage de papier, tenage par la main (acte plus qu’indécent en d’autres circonstances entre personnes de sexes opposés) et pouf, c’était fini..

Apres, comme le veut la tradition, un grand repas est donné, et quand il dise « grand repas », c’est pas de la gnognote.. En gros, une deuxième salle juxtaposée à la première ouvre ses grilles toutes les 15 minutes environs pour faire rentrer les gens par groupe d’environs 200, définitivement venus uniquement pour bouffer gratis, dans la salle où est servi un repas traditionnel, dans une ambiance fast-food :

Il faudras environs 4 ou 5 services pour en venir à bout de tous les affamés du coin.

Séance photos à l’extérieur, le marié fait un effort pour sourire, la mariée pas beaucoup … et nous voilà repartis vers Aranmula..

Pas vraiment le mariage auquel nous nous attendions tous donc.. enfin du moins auquel je m’attendais moi .. j’avais oublié que 99% des mariages n’étaient pas des mariages d’amour et que le père de la mariée devait y mettre le prix pour « caser » sa fille.. quelle horreur..

(Edit 2011 : Après avoir parlé avec pas mal de collègues indiens à Chennai, ils étaient plutôt contents de ce système qui leur garantissait 1. d’être mariés, 2. que les familles s’entendent. Après je n’ai pas eu l’avis de la gente féminine..)

Pire, le lendemain, on nous apprend que le frère du marié s’était tué en moto le jour du mariage. Ça aurait pu expliquer sa tête déconfite, mais en fait il ne le savais pas au moment de la cérémonie. D’après les gens du centre, ça sera considéré comme un signe de mauvaise augure, et qui est-ce ce qui en sera la cause ? la mariée bien sûr !

Aussitôt arrivés donc, aussitôt repartis, dans le bus, au milieu des chants et danses des Indiens en week-end, j ‘ai un peu mal au coeur et pas seulement à cause de mon oreille interne qui a l’habitude de me jouer des tours dans les transports, mais cette fois, c’est ces petits aspects culturels du pays qui font réfléchir à la condition des femmes ici, aux rapports très bridés et formatés entre les uns et les autres, à ce fossé qu’il existe entre notre culture et la leur… Pas de comparaisons possibles en revanche, je ne pense pas non plus que l’on soit en capacité de juger, il faut accepter et se soumettre tant bien que mal aux différences…