Lundi 5 Mars 2007 - High in Da Sky

Vous le croirez ou non, au moment où je tape ces quelques lignes j'me trouve en pleine ascension aérienne, à décompresser régulièrement pour pouvoir continuer d'écouter les Fat Freddy's Drop dans mes oreilles en pleines dépression. J'ai remis un jean, ça fait bizarre, ça faisait plus d'un mois que j'en avais pas porté un. Mais non j'me balladais pas non plus en slip, qu'est ce que vous allez imaginer. Bref, j'ai remis mon pull aussi, je suis content de pas mettre débarrassé de mon sweat Leclerc noir à 6 euros, parce que l'air conditionné hein..

En voilà un post intéressant dites moi..

Nan plus sérieusement, je suis arrivé à l'aéroport de Cochin vers 16h en avance puisque sans billet pour mon vol de 19h40.. J'avais prévu large, sans compter le retard, il est 22h40, mon avion décolle.. On dois arriver d'ici 1h30 à Chennai (Madras), plus le débarquement et tout le tintouin.. L'aéroport est à vingt bornes de la ville et je sais pas si je vais trouver un hôtel à cette heure-là.. On verra hein..

Bon ben voilà, live from the air, fasten your seat belt !

Message perso pour papa
Papa, un livre assez marrant que je suis en train de lire vient de résoudre l'éternel dilemme. Le drame de ta vie. Pourquoi les gâteaux deviennent mous et le pain dur ! Tu vas pouvoir enfin dormir la nuit. Quoique le réponse ne présente pas vraiment de solution. Le p'tit gâteau contient beaucoup de sucre et de sel, très hygroscopique à ce qui parait (même si je n'ai aucune idée de ce que cela veut dire), en gros le biscuit suce l'humidité de l'atmosphère, de plus, sa structure dense maintient cette humidité par effet de capillarité. La baguette, elle, contient peu de sucre et de sel et a une structure très ouverte qui par le fait, ne retient pas l'eau.


Samedi 4 Mars 2007 - Owl to the Moon

Samedi soir, claire nuit noire en ce soir de pleine lune. Le grésillement du ventilo au dessus de la moustiquaire est couvert par le hurlement des chiens qui festoient. Chaque fois que je regarde à un endroit du filet qui m’englobe et me protège, encore une autre chercheuse de sang vient de se poser, trompe toute devant, prête à tout pour prélever la goutte de sang qui lui permettra de pondre ses œufs et donner naissance à d’autres encore et encore.

Je sais que le sommeil ne viendra pas ce soir, une fois encore, muscle tendus, cœur battant, esprit embrouillé et œil vide, de droite à gauche, incontrôlablement, trop de pensées trépident.

Et la nuit qui n’en fini pas de s’étendre, ses bruits et sa noirceur ajoute un peu plus de confusion à mes entreprises et mes peurs.

De haut en bas, l’humeur saute, plonge, touche le fond, rebondi, reprend espoir, sort le tête de l’eau, émerge un moment pour replonger à nouveau.

Quelle belle et curieuse chose que la vie, drôle de tableau, où toutes les couleurs, tous les sentiments, de l’amour à la haine, à la joie, à la peine, de l’espoir au dépit il n’y a qu’une nuance, mais tout est mélangé sur cette toile immense.

Certains me demandent ce que je fout ici, ben j’écris des choses dénuées de sens, je découvre ce pays somme toute très surprenant, je fais des rencontres et m’amuse de temps en temps, j’essaye de faire avancer mes prospections et mes projets persos qui, à force de s’additionner et se diviser perdent même auprès de mes proches, toute cohérence.

Je pense tenir une bonne idée (comme d’hab tu me diras mon pom’) une de plus qui ne s’achèvera pas, qui ne pointera même pas le bout de son nez d’ailleurs, faute d’expérience et de moyens.

J’ai l’impression de rentrer en France demain, alors il est grand temps que j’m’installe un réacteur a***. De toute façon, mon allergie est quasi passée, je book mon flight aujourd’hui, je bifurque à Chennai pour rejoindre le fameux Pondicherry ou qui sait, les rencontres seront bonnes et fructueuses.

Demain matin je vais prendre des photos chez Desmond, un peintre un peu allumé du coin, ami de mes collocs qui m’ont demandé de lui bidouille un site pour qu’il expose ses toiles. Je leur dois bien ça..

Bonne nuit.


Jeudi 1er Mars 2007 - Fou d'allergie

J’avais demandé les horaires de train à l’office du centre, je speed pour être à l’heure, je demande même au rickshaw driver de mettre la gomme, en fait le train était pas avant un bonne heure et demi.. En même temps, le site des horaires de train est tellement mal foutu qu’on se demande s’il ne collecte pas des idées pour le rendre encore pire ! (j’vous défi de trouver les horaires du Cochin / Varkala, aucune chance…)

Donc je stoppe deux heures et demi plus tard à Ernakulam, pour rejoindre le bateau pour Fort Cochin. Curieux nom d’ailleurs, ça n’a rien d’un fort, pas de remparts, pas de tourelles avec des meurtrières, rien ! Moi qui m’imaginais un énorme château, j’étais un peu surpris. J’me trouve un hôtel clean à 300 rupees et commence à me balader… J’tombe sur un groupe de jeunes un peu dans le même voyage, d’un peu partout avec qui on décide d’aller se faire un resto, et il me raconte qu’ils s’étaient tous rencontrés un peu avant et qu’ils descendaient se faire les backwaters le lendemain.

Le lendemain donc, j’entends un mec qui m’appelle. Pas le « hey brother, my friend ! » habituel du mec du resto du coin qui essaye de t’alpaguer pour manger des calamars avariés et finir avec 250 boutons sur chaque pied et des démangeaisons infernales. Nan mais la voix me disait vaguement quelque chose, et le fait qu’il sache mon nom aussi, un détail… Je tourne donc les talons dans une humeur pas coiffée, pas caféinée, et j’tombe sur Yorgis, un hollandais du groupe de la veille qui n’était visiblement pas parti aux backwaters, puisqu’il était entrain de trôner au milieu de réflecteurs, projecteurs, caméras et autres accessoiristes multivitaminés. On commence à discuter et il me raconte que c’est la deuxième fois que ça lui arrive, à Bombay déjà, il en était à sa deuxième pub, deux histoires différentes, mais qui commencèrent toutes les deux au hasard des rues.

Lunch time, la production a mis le paquet sur la bouffe, on se prend une table en attendant que le tournage reprenne. Une pub de chemises donc, un beau couple de toubabs se rencontrent sur la plage, il la revoit pour lui offrir des fleurs, scénario béton, mais il me raconte que la scène avait été tournée péniblement, puisque qu’il ne parlait pas un mot de Malayalam et que les mouvements de lèvres devait paraître probant. Yoris touche 5000 rupees, soit un peu moins de 100 euros, pour l’anecdote…

La scène des fleurs se tourne au milieu des badauds avec une anglaise intimidée, pas sure de son coup. Le producteur me prend à part pour me raconter sa vie en me partageant une bière, j’attends qu’il me propose, de justesse, on aborde le sujet mais nan : j’ai les cheveux trop courts, il aurait bien un p’tit truc de figuration pour me faire plaisir, mais voilà.. t’as p’t’être raison ‘pa, j’devrais p’t’être me laisser pousser la crinière, et jouer dans des pubs de shampooing à Bollywood..

Au retour de mon saut sur l’internet à dynamo du coin, pas très loin de celui de l’après midi, un autre tournage se tournoit, se tournasse, enfin se tourne quoi.. Yorgis est toujours en place pour profiter de la bouffe et boissons de la prod, moi je prends la confiance aussi, je fais la bise au producteur (bon ça c’est pas vrai), en tout cas je monte, me coulisser dans les.. Essaye de ne pas faire de bruit pour faire genre : « je suis au courant, wink », mais faut avouer c’est très pénible le cinéma, les gens attentent en soupirant, l’actrice, semble ravie de se retrouver dans les bras d’une sorte de Jésus très poilu en perfecto et manches à franges, elle me raconte un peu l’histoire avec cet accent français que, je pense, tous les francophones peinent à perdre, enfin je dis peut être ça pour me rassurer, bref.. Elle habite ici avec sa sœur, mariée avec un pécheur Indien souvent absent. Toutes les deux élèvent une petite dans un homestay pas trop cher, avec cuisine et petit personnel. Elle me raconte qu’elle reste chez sa sœur en attendant de se marier.

On décide d’aller manger avec des gens du studio, sur la place du marché au poisson, près des fameux chinese nets sur le bord extérieur du fort, comme tous les touristes quoi.

Au fur et a mesure que la soirée avance, j’sent quand même un truc chelou sous la sangle de mes tongs en plastoque, un léger grattement qui se répand rapidement aux deux pieds en entier, je regarde sous la table en fin de soirée, horrible, la calculatrice de Bill Gates en rouge sang sur l’intégralité du pied. Bon là je réalise, y’a un truc louche avec mes pieds, j’sens comme une fatigue monter, d’façon c’est la fin de soirée, j’rentre à mon hôtel, ça ira mieux demain.. Et là c’est comme s’il n’y avait pas eu de demain, j’pense avoir dormi une bonne partie de la journée, j’pense que mon corps essayait de se défendre contre le truc en question, mais sans eau, sans bouffe, ça n’a pas aidé.. j’me lève quand même le soir pour aller prendre conseil au studio, je tombe sur l’actrice de la veille, la française, qui me coach un peu, me dit que y’a de la place à son homestay, que c’est cheap et pas loin d’un médecin que sa soeur connait, donc je bouge là-bas, feelin’ really bad, les boutons s’étaient répandus sur les jambes et les mains, ça pouvait passer dans la nuit, ou pas..

Première heure le matin d’après, on file chez le « médecin ».. enfin médecin : Ayurvedic, elle me matte le pied, allez, 3 secondes et demi et me prend le pouls à la main bien 5 minutes, me demande si j’avais pas mangé des crevettes ou un truc comme ça, qu’est ce que je peux dire ? ben si, on a mangé que ça les derniers jours.. J’suis partagé : d’un côté, bon, elle a deviné en deux secondes ce que j’avais mangé l’avant veille, de l’autre, qu’est ce qu’un blanc bec comme moi mange à Fort Cochin a part des fruits de mer ?

Bon bref, elle me prescrit de l’huile à étaler sur le corps pendant deux heures tous les jours, hyper pratique, j’ai salopé la moitié des draps de l’hôtel… Une poudre pour retirer l’huile, des gélules aux plantes et un sirop qui a goût de Nuoc-mâm ignoble…

En tout cas j’me ménage et j’essaye d’attendre que ça parte complètement avant de reprendre mon chemin… J’ai encore les phalanges toutes rouges et urticantes, demain ou après-demain ça devrait être parti…

ps : message perso, ne t’inquiète pas Mamie TOUT va bien à présent !


Vendredi 23 Février 2007 - Boules et bonhommes de neige

Par où commencer ? il s’est passé tellement de choses depuis la dernière fois. Ce qui est sûr c’est que je regrette pas du tout, malgré mes appréhensions, mon séjour au Vijnana Kala Vedi Center, super expérience, même si je dois l’avouer mes performances en wood carving et en tabla furent plus que médiocres, il faut le dire en cuisine je mettais grave le teacher à l’amende ! Bon en fait pour cuisiner façon Kerala, tu fais revenir oignons/ginger/garlic et tu ajoutes pretty much n’importe quoi, sans oublier la noix de coco, qu’est un peu l’équivalent de notre pomme de terre à nous. J’ai noté deux trois recettes qui valent la peine Chapati, Rasam et Naan, j’les mettrai dans un autre post…

Pour ce qui est de l’hindi, ben j’ai des bonnes bases en lecture et écriture puis maintenant il faut pratiquer, ce qui est difficile dans cette partie de l’Inde où le Malayalam est la langue officielle. Il y a 22 langues officielles en Inde et moult officieuses, quel bordel !

J’étais super admiratif de ma prof d’Hindi, pour plein de raisons : déjà elle s’était mis dans les poches un Phd (doctorat), ce qui est plutôt rare pour une femme en Inde, elle s’était mariée d’amour, oui d’amour, ça peu paraître normal pour nous, mais c’est pas trop la norme ici, et par dessus le marché avec un mec d’une caste supérieure à la sienne, ce qui assure son paquet de cahuettes ! Shubha, Shubha Ji, on dit « Ji » quand on respect la personne, « Sri » quand on la respecte plus que Ravi Shankar, bref…

Vous savez comment on dit Georges en Hindi ? Ben on dit Georges, mais on l’écris pas pareil.. ils appellent ça de la translittération, c’est très utilisé ici, l’hymne national par exemple, ben c’est une sorte de charabia que personne comprend, et ils l’écrivent comme ils le peuvent mais au moins ils disent tous la même chose, avec notre alphabet ça donne :

« Jana Gana Mana Adhinayaka Jaya He
Bharat Bhagya Vidhata
Punjab Sindh Gujarat Maratha
Dravida Utkala Banga
Vindhya Himachal Yamuna Ganga
Ucchala Jaladhi Taranga
Tubh Shubha Name Jage
Tubh Shubha Ashisha Mange
Gahe Tubh Jaya Gata
Jan Gan Mangaldayak Jay He
Bharat Bhagya Vidhata
Jaye He ! Jaye He ! Jaye He !
Jaye,Jaye,Jaye,Jaye He « 

..Faut bien que tout le monde chante la même chose, tant pis si ça ne veut rien dire hein..

Donc voila pour le centre, pleins de belles rencontres: William, un vieux Scottish qui parlait au compte goutte, Cilica, yogi orthophoniste canadienne qui business sur le web, Ami, américaine, ex-associée de Pierre Lescure, virée en même temps que lui, reconvertie dans la traduction au cinéma, un couple d’acteurs Colombiens.. Y’avait vraiment des gens intéressants et des bons moments à partager.. La patronne par contre, une Française qui avait créé le centre ya une trentaines d’années, complètement flinguée du goulot, parlait à son staff comme à des boites de Canigou et venait se la raconter sur la spiritualité de l’Inde… Elle était à vomir..

Le dernier week-end, ou le week-end dernier, ça fait pas grande différence, on s’est loué un HouseBoat pour se faire les backwaters, cette espèce de lac gigantesque.. Départ tôt le matin, 9 dans le taxi, quasi 2 heures de 4×4, 2 éléphants croisés sur le bord de la route, 28 accidents évités, grâce à notre photo de Vishnou sur le tableau de bord…

Arrivée sur le boat, moi qui m’attendais à une sorte de Zodiak aménagé avec des bouteilles en plastiques, truc énorme, un espèce d’hôtel de luxe sur l’eau, tout confort, 20 mètres de long, chambres avec A/C, mosquito nets, cuisine, tout en bois et bamboo, le toit couvert de paille, juste magnifique…

Arrivés donc, on nous sert une noix de coco avec une paille dedans, dans lesquelles on ajoute un tiny soupçon de vodka, long soupir en s’allongeant sur la banquette, regardant l’horizon, cocotiers et petits bateaux de pêcheurs, une infinité d’eau calme, placides, on se demande comment on pourrait être mieux, un peu de musique, Fat Freddys Drop dans les oreilles, et nous voila partis pour notre journée à travers les backwat’, juste magnifique…

Et la bouffe, arf, ça faisait 3 semaines qu’on bouffait que végétarien, poisson le midi, chicken le soir.. Que du bonheur… un p’tit plongeon dans l’eau tiède à la tombée de la nuit, j’aimerais que mon pom’ soit là ici maintenant, elle arrive dans 27 jours, i just can’ wait…


Vendredi 9 Février 2007 - Grasse mat' à Aranmula

Grasse mat’ donc .. Premiers signes d’activité vers 4h du mat’, ghettoblaster à donf en provenance du temple, vu qu’il y a plusieurs centaines de divinités dans la religion Hindouiste, c’est tous les jours Noël. Notons par ailleurs que pour les indiens, Jésus est un dieu, un de plus ou un de moins vous me direz.. 4h donc, ante medium hein, ça chante et ça répète inlassablement le même refrain, la même prière, comme un vieux 45 tours rayé jusqu’à épuisement du chanteur nictaphone.

5h : les oiseaux et les coqs, une seule sorte de coq, le gripaviaireux, deux sortes d’oiseaux, le Jouissus Colibrius et le Clacus Corbus, équivalents urbains du couple débauché de l’étage d’haut dessus et du voisin bricoleur de l’appart d’à côté..

Enfin 6h, les klaxonnes, les oiseaux, la musique, tout ce petit monde s’adonne à cœur joie dans ce petit bœuf matinal…

Vous l’aurez compris, pas de grasse mat’ donc, à 7h30 : yoga, tout le monde s’affaire vers la hutte, choppe son « mat » qui pue le yak et s’agenouille « prayer position » pour écouter le yogi chanter calmement ce début de journée.

Au fur et à mesure des asanas et des sessions, on s’attache à ce petit rituel qui, il faut bien l’avouer, détend son monde. Shawahasana, « relax session », quand le soleil déverse ses premiers rayons à travers la faune tropicale, palmiers et bananiers, ça a quand même de la gueule.

Petit dej’ frugal avec la quinzaine d’autres étudiants en ce moment au Vijnana Kala Vedi Center, l’anglais est représenté sous tous ses accents autour de la table.

Deux enseignements au choix parmi le très prisé Kathakali, la danse traditionnelle du Kerala, make-up, mural painting, langues etc… Pour moi c’est deux heures d’Hindi en face à face tous les jours et une heure de découverte : Wood carving la semaine dernière, voir photos de mon « wood-holding-watching-carving » éléphant, tabla cette semaine et cooking la semaine prochaine, j’ai hâte de voir comment les gens cuisinent dans un pays civilisé, c’est a dire SANS (evil) FOUR [private joke]…

À chaque premier cours avec un nouveau professeur, l’étudiant se dois d’apporter le Dakshina, a betel leaf, an areca nut and a one rupee coin. Il doit être offert les deux mains jointes, et est reçu cérémonieusement par le professeur.

J’ai essayé une fois, pas deux, ce qu’en faisaient les gurus. Ils enroulent des graines d’areca nut dans la feuille avec un peu de poudre assez caustique, mâchonne un peu, garde assez longtemps dans la bouche et recrache le mélange rougeâtre et amer. C’est censé avoir le même effet qu’une grosse gitane maïs. Personnellement, à part la langue rouge sang et un goût assez acre dans la bouche, je n’ai pas eu plus de plaisir que ça, sans aucun dédain, c’est quand même une autre culture.

Je lisais le journal ce matin, une indienne étudiant en France répondait aux questions du journaliste, it went:

« – What thing foxed you the most while you were in France ? »

« – Fish is considered a vegetarian dish ! »

Is it ?

Ici, en tout cas pas de poisson aux repas, 100 % veg. On s’y fait, parfois des carrés de tofu pourraient passer pour du blanc de poulet et certains morceaux de choux fleurs poêlés pour de la crevette… Ou peut être c’est mon cerveau reptilien qui me joue des tours, je ne sais pas…

Parfois je rêve qu’ils me foutent des protéines, des vraies, sur cette foutue feuille de bananier, mais une petite voix me dit : « mec, si tu voulais un kebab-frites, t’avais qu’à descendre la rue, pas besoin de faire 8000 bornes ! »

Nan, on nous sert de la super bouffe, assez variée et bouffer avec les doigts, c’est ce que je préfère…

C’est déjà le week end, je pense rester au centre pour bosser mes traductions et chill out sur le toit.. Alors que les journées sont bien remplies, les soirées sont parfois un peu longues, alors je bouquine et je vous écris, comme ça vient…


Jeudi 1er Fevrier 2007 - Vijnana Kala Vedi Center

..et voila, Varkala, basta, et vissa à Aranmula..

Bon, il faut l’avouer c’était pas « l’aventure » là-bas, ambiance plage, bouquins et petits restos.. M’enfin j’ai quand même vu des indiens en slips, j’ai donné une blatte à bouffer à l’araignée de ma salle de bain :

j’ai vu un homme-singe grimper à des cocotiers ras-la-falaise pour éviter que les noix de coco tombe sur les gens (Oui c’est un fléau ici), j’ai vu un mec faire du yoga la plage la tête enfoncée dans le sable les pieds en l’air pendant 10 minutes et un serpent m’a allègrement mordu le pied : « ho ! small one, not poisonous.. » m’a-t-on dit.

Le jour du départ, il faisait gris, je savais pas que ça existait en Inde, mais c’était juste parfais pour continuer le voyage.. je traverse la plage pour la dernière fois, chope un rickshaw jusqu’à la gare et prend l’express Bangalore qui me mènera d’ici deux heures à 50 bornes d’ici : destination Chengannur.

Aranmula, là où se situe le Vijnana Kala Vedi center, est un petit village à quelques kilomètres de Changannur, donc re-rickshaw, petite appréhension avant l’arrivée au centre où je pense rester d’abord une semaine, et étendre ensuite si le coeur m’en dit…

> Le site du Vijnana Kala Vedi Center : vijnanakalavedi.org

Aussitôt arrivé, aussitôt pris en charge, remplissage de papiers, explication sur le fonctionnement du centre, choix de sujets d’étude, parmis d’autres je choisi Hindi comme premiere matière et Wood carving comme seconde… allez savoir pourquoi.. disons que j’étais moins tenté par le katakali, le maquillage ou la peinture murale.. On est samedi, il n’y a pas de cours le week-end, mais demain est un jour très spécial, le frère d’un copain, de la cousine de quelqu’un qui travaillait ici se marie demain.. Tout le centre est donc convié, moi inclus…

Nous voilà donc le dimanche embarqués dans le bus départ 8h30 plus une heure de retard de rigueur, au bout de 100 mètres le bus s’arrête, tous les indiens sortent du bus en courant, on avait juste renversé une petite vieille.. rien de grave quoi, elle allait bien.. nous voilà repartis..

Arrivée deux heures or so plus tard, pour vivre un mariage indien, magique, not so magic though.. Bêtement j’imaginais ça comme un mariage à l’occidentale, de la musique, la famille et les amis etc.. Que nenni.. On arrive dans une sorte de salle des fêtes où un bon millier de personnes assistent à l’union des deux personnes au fond fond de la salle, des inconnus pour la plupart des convives j’imagine ; la cérémonie se déroule en 8 minutes : échange de cadeaux, signage de papier, tenage par la main (acte plus qu’indécent en d’autres circonstances entre personnes de sexes opposés) et pouf, c’était fini..

Apres, comme le veut la tradition, un grand repas est donné, et quand il dise « grand repas », c’est pas de la gnognote.. En gros, une deuxième salle juxtaposée à la première ouvre ses grilles toutes les 15 minutes environs pour faire rentrer les gens par groupe d’environs 200, définitivement venus uniquement pour bouffer gratis, dans la salle où est servi un repas traditionnel, dans une ambiance fast-food :

Il faudras environs 4 ou 5 services pour en venir à bout de tous les affamés du coin.

Séance photos à l’extérieur, le marié fait un effort pour sourire, la mariée pas beaucoup … et nous voilà repartis vers Aranmula..

Pas vraiment le mariage auquel nous nous attendions tous donc.. enfin du moins auquel je m’attendais moi .. j’avais oublié que 99% des mariages n’étaient pas des mariages d’amour et que le père de la mariée devait y mettre le prix pour « caser » sa fille.. quelle horreur..

(Edit 2011 : Après avoir parlé avec pas mal de collègues indiens à Chennai, ils étaient plutôt contents de ce système qui leur garantissait 1. d’être mariés, 2. que les familles s’entendent. Après je n’ai pas eu l’avis de la gente féminine..)

Pire, le lendemain, on nous apprend que le frère du marié s’était tué en moto le jour du mariage. Ça aurait pu expliquer sa tête déconfite, mais en fait il ne le savais pas au moment de la cérémonie. D’après les gens du centre, ça sera considéré comme un signe de mauvaise augure, et qui est-ce ce qui en sera la cause ? la mariée bien sûr !

Aussitôt arrivés donc, aussitôt repartis, dans le bus, au milieu des chants et danses des Indiens en week-end, j ‘ai un peu mal au coeur et pas seulement à cause de mon oreille interne qui a l’habitude de me jouer des tours dans les transports, mais cette fois, c’est ces petits aspects culturels du pays qui font réfléchir à la condition des femmes ici, aux rapports très bridés et formatés entre les uns et les autres, à ce fossé qu’il existe entre notre culture et la leur… Pas de comparaisons possibles en revanche, je ne pense pas non plus que l’on soit en capacité de juger, il faut accepter et se soumettre tant bien que mal aux différences…


Mercredi 24 Janvier 2007 - Varkala, c'est playa

Varkala donc, « dramatic cliff-top settings, perfect beaches« , c’est vrai, ils auraient pu rajouter : repère de soixante-huitards en caleçon, temple de la babosserie, hymne à la World Music et à la flute de pan…
Nan, à part les coups de soleil je vais pas me plaindre : P

À Paris, il fait gris, Caen s’est couvert de son manteau blanc, à Varkala, c’est playa…

Moi je voulais pas venir ici hein, c’est un peu le hasard, qui comme chacun sait fait bien les choses…
Du coup je profite un peu, j’me la coule douce, je suis entrain de me renseigner sur un centre d’initiation à l’Hindi et la culture indienne.. à voir…


Lundi 22 Janvier 2007 - Un pas en avant, deux pas en arrière

Deux jours et deux nuits à Thiruvananthapuram, je décide que j’en avait fait le tour. J’avais découvert un tas de choses, et maintenant, j’avais besoin de comparer, de refaire mon sac, prendre le train et commencer doucement ma remontée vers le nord.

Debout aux aurores, sur le pied de guerre, c’est le cas de le dire, parce qu’on peut pas vraiment dire que je soit encore tout à fait calé, j’arrive à dormir par tranche de 2 ou 3 heures, à faire ma nuit en deux fois, et entre deux c’est la guerre !

J’essaye tant bien que mal d’engager un Géno-mousti-cide, avec tout ce que je tuais dans la nuit, je prendrais au moins perpett’ pour crime contre la Mousti-nité ! Au milieu de la dernière nuit, particulièrement agitée, où je decide d’en finir avec la totalité de l’espèce, je mets au point une technique bougrement riducule, digne des plus grands soldats : je passe aux quatre coins de ma chambre en tapant furieusement des mains, dans les moindre recoins pour faire sortir même le plus lâche de sa cachette, et leur donne rendez-vous sur le lit où je les attends, sur le dos, tête à plat, les jambes en l’air, ce qui, certes handicapant sur le plan de la mobilité, me permet de protéger mes arrières face aux ennemis décidément au rendez-vous et prêts à en découdre.

Je dois l’avouer, cette abominable ignominie de la nature a des capacité régénératrices exceptionnelles, je decide de tendre la drapeau blanc vers les 5h du mat’, le corps couvert tantôt de piqures rouges de la veille, tantôt de plaques blanches, fraichement piquées.

Je rallume mon ventilo à deux position: ‘éteint‘ ou ‘Airbus A320‘. Dès l’allumage je reste scotché au lit en ayant l’impression que le plafond va s’envoler..

Debut aux aurores donc, sur le pied de guerre disais-je, je feuillette mon guide, et c’était décidé, va pour Kollam, ville marché, porte des backwaters. Je passe faire mes adieux (on sait jamais) aux gens que j’aime au cybercafé qui ne sert pas de café ; gare ; train ; arrêt du train en gare de ? Panique ; sueur ; rebouclage de sac fissa ; Varkala ? ouf.. j’en profite pour ressortir mon guide, page 892 :

« with its dramatic cliff-top setting and perfect beaches, Varkala is an idyllic beach town.. »

Une idyllique beach town ? et personne me prévient ? j’ai à peine le temps d’y réfléchir que le train repart, on s’était dit Kollam, va pour Kollam..

Arrivé à Kollam, ville marché indeed, je visite une chambre où ils auraient pu tourner des scènes de Guantanamo II, le retour du bourreau. Je remarche une demi heure dans l’autre sens ; gare ; train ; Varkala .. Un pas en avant, deux pas en arrière…


Vendredi 19 Janvier 2007 - Suivez le guide !

Traversée de la nuit d’un siège à un autre jusqu’à ce que l’embarquement commence pour le vol à destination de Thiruvananthapuram, 800 points au Scrabble, à 8h00 AM heure locale, 4h00 du mat’ pour mon esprit fatigué, décalé..

Sortie de l’aéroport, soleil de plomb, comme d’habitude, 8 000 personnes derrière les barrières, pire qu’au concert de Bruel en 92, le zoo, sauf que l’attraction, les animaux, c’était nous.

Le plan était simple, on tire des roupies à la banque, et on s’tire en tacos dans un des hôtels présélectionnés par mon précieux guide Lonely Planet: How wrong could it go ?

Je passe le militaire, puis pour un ours au zoo de Toirie, et là je panique, pas de banques, pas de visages familiers, à part les autres blanbecs de l’avion au moins aussi perdus qu’moi. Dans une frénésie de gamins hurlants, de saris multicolores et de porteurs de sacs de riz, ILS étaient là, assurément entreprenants. Un des ILS me dit d’pas m’inquiéter et de le suivre « don’t worry » ; mais j’avais un problème, pas un rupee sur moi pour prendre les devants, donc je suis et repasse pour un ours, ré-affronte le militaire, change en une fraction de seconde un billet de 50 euros contre une liasse de vieux roupies défraichis ; je continu à suivre IL devant 1 000 zoophiles en rut jusqu’à une porte : PRE PAID TAXI, IL a vu juste le bougre, me disais-je, IL, dans un anglais dont les accents me sont encore pas familiers, loin de la langue de Shakespeare:

« – Where u go ?
– I would like to go to the city center, please sir
– The beach? Ko~~am BEACH ?
– Yeah.. perfect »

Sur ma carte, Thiruvananthapuram touche la cote, j’en déduis qu’il m’emmène à Thiruvananpoufpouf, près de la mer, là ou je trouverai un hôtel simple et pas cher, proche de la mer et des commerces et des marchés de vêtements colorés et de nourritures épicées..

Je payes mes 375 roupies, autant dire un oeil, et file dans mon taxi prépayé.

Traversant 15 bornes de l’Inde farouche et balbutiante, meurtrie et agitée, je ne comprend pas un mot de ce que mon chauffeur raconte. Il me tend le prospectus d’un hôtel digne d’un palace Deauvillais, et je commence à comprendre en voyant s’éloigner les panneaux Trivandrum et se multiplier les 4 par 3 insolant de ces hôtels à enclos, protégeant de la pauvreté des autochtones errants et misérables.

En croisant plus de blancs que d’indiens à la sortie de mon taxi, je descends le chemin menant à la plage où j’attendais que mon guide m’en dise plus sur cet endroit où les gens me harcèlent déjà.

Tout en lisant mon guide, Roby de son nom me parle constamment. Il m’apprend que nous sommes à Kovalam, anagramme improbable de Malakof me disais-je, page 887 :

 » Kerala’s most popular beach-side resort, Kovalam is the scene of chaotic beach-front development, high prices, desperate souvenirs sellers and a dramatic influx of charter groups.. »

Effectivement, comtemplais-je alors que Roby parlait toujours.. Je relis alors Trivandrum page 882:

« ..retains some of old Kerala’s ambiance.. this is still one of India’s most pleasant city. »
« -Rob, d’you know where’s the nearest bus station ? »

Sac à dos et à ventre, je remonte la ruelle et entame le chemin à pied, 5 ou 6 km où, malgré le risque d’insolation à midi pile, je jubile sous les regards devenus tellement plus sympathiques des Indiens que je croise, comme si ils avaient compris que j’étais venu chercher autre chose.

Je monte finalement dans le bus à 7 roupies, me repère dans la ville et me retrouve ce soir au Ganesh Hotel, page 884 : « tucked away in a pleasant part of town, this place has quiet, big, clean rooms. »

Comme on dit : « Suivez le guide ! »


Jeudi 18 Janvier 2007 - Aéroport de Bombay

À 300 km/h, 10 000 mètres du sol, 8 000 bornes à parcourir, 2 000 raisons de partir, au moins autant de ne pas...

Deux voisines, 100 années à elles deux, deux verres d'eau par heure, au moins autant de raisons de se lever, 8 h de vol, 16 fois plus de raisons de renverser leur Cabernet Sauvignon sur mon siège, ma tablette, mon accoudoir, mon petit oreiller et la couverture dont le stewart est en rupture de stock.

L'écran de télé de l'année centrale oscille entre ces chiffres, improbablement aléatoires, et une carte ou notre avion de la taille de la Corse clignote au-dessus d'une étendue de verdure ensoleillée.

Départ 10h35, décollage 11h40, arrivée 23h30, voyage 8h, ma montre indique encore 21h12, j'me paume dans tous ces chiffres, déjà ce matin, tout été compliqué, aéroport Charles de Gaulle II, enregistrement porte IV, embarquement porte 40, vol AF0134, siège 26C, j'me paume dans tous ces chiffres.. mon bagage n'arrive toujours pas sur le tapis roulant no 10, c'est pas bien grave, j'attrape l'énorme valise de la personne handicapée attendant à coté de moi d'un geste incertain, je fleurte avec l'idée d'échanger mon sac toujours manquant alors que la distribution se termine, contre sa place dans le fauteuil et sa valise et constate dans un effroi dissimulé au milieu des autres passagers, la déraison qui s'installe dans le nuage de brume entre mes deux oreilles..

Après avoir finalement retrouvé mon sac et montré mon passeport à littéralement toutes les personnes de l'aéroport assises derrière un bureau, au bout du couloir, je me retrouve entouré de barrières, retenant plus de personnes que l'ensemble de toutes celles que j'avais croisé depuis une bonne semaine réunies, je scrute au dessus des gens ce paysage lumineusement sombre, mélange de noir et de jaune, de kaki et d'orange et prend une grande bouffée de cet air lourd et parfumé de la sortie de l'aéroport de Bombay...