Mercredi 24 Janvier 2007 - Varkala, c'est playa
Varkala donc, « dramatic cliff-top settings, perfect beaches« , c’est vrai, ils auraient pu rajouter : repère de soixante-huitards en caleçon, temple de la babosserie, hymne à la World Music et à la flute de pan…
Nan, à part les coups de soleil je vais pas me plaindre : P
À Paris, il fait gris, Caen s’est couvert de son manteau blanc, à Varkala, c’est playa…
Moi je voulais pas venir ici hein, c’est un peu le hasard, qui comme chacun sait fait bien les choses…
Du coup je profite un peu, j’me la coule douce, je suis entrain de me renseigner sur un centre d’initiation à l’Hindi et la culture indienne.. à voir…
Lundi 22 Janvier 2007 - Un pas en avant, deux pas en arrière
Deux jours et deux nuits à Thiruvananthapuram, je décide que j’en avait fait le tour. J’avais découvert un tas de choses, et maintenant, j’avais besoin de comparer, de refaire mon sac, prendre le train et commencer doucement ma remontée vers le nord.
Debout aux aurores, sur le pied de guerre, c’est le cas de le dire, parce qu’on peut pas vraiment dire que je soit encore tout à fait calé, j’arrive à dormir par tranche de 2 ou 3 heures, à faire ma nuit en deux fois, et entre deux c’est la guerre !
J’essaye tant bien que mal d’engager un Géno-mousti-cide, avec tout ce que je tuais dans la nuit, je prendrais au moins perpett’ pour crime contre la Mousti-nité ! Au milieu de la dernière nuit, particulièrement agitée, où je decide d’en finir avec la totalité de l’espèce, je mets au point une technique bougrement riducule, digne des plus grands soldats : je passe aux quatre coins de ma chambre en tapant furieusement des mains, dans les moindre recoins pour faire sortir même le plus lâche de sa cachette, et leur donne rendez-vous sur le lit où je les attends, sur le dos, tête à plat, les jambes en l’air, ce qui, certes handicapant sur le plan de la mobilité, me permet de protéger mes arrières face aux ennemis décidément au rendez-vous et prêts à en découdre.
Je dois l’avouer, cette abominable ignominie de la nature a des capacité régénératrices exceptionnelles, je decide de tendre la drapeau blanc vers les 5h du mat’, le corps couvert tantôt de piqures rouges de la veille, tantôt de plaques blanches, fraichement piquées.
Je rallume mon ventilo à deux position: ‘éteint‘ ou ‘Airbus A320‘. Dès l’allumage je reste scotché au lit en ayant l’impression que le plafond va s’envoler..
Debut aux aurores donc, sur le pied de guerre disais-je, je feuillette mon guide, et c’était décidé, va pour Kollam, ville marché, porte des backwaters. Je passe faire mes adieux (on sait jamais) aux gens que j’aime au cybercafé qui ne sert pas de café ; gare ; train ; arrêt du train en gare de ? Panique ; sueur ; rebouclage de sac fissa ; Varkala ? ouf.. j’en profite pour ressortir mon guide, page 892 :
« with its dramatic cliff-top setting and perfect beaches, Varkala is an idyllic beach town.. »
Une idyllique beach town ? et personne me prévient ? j’ai à peine le temps d’y réfléchir que le train repart, on s’était dit Kollam, va pour Kollam..
Arrivé à Kollam, ville marché indeed, je visite une chambre où ils auraient pu tourner des scènes de Guantanamo II, le retour du bourreau. Je remarche une demi heure dans l’autre sens ; gare ; train ; Varkala .. Un pas en avant, deux pas en arrière…
Vendredi 19 Janvier 2007 - Suivez le guide !
Traversée de la nuit d’un siège à un autre jusqu’à ce que l’embarquement commence pour le vol à destination de Thiruvananthapuram, 800 points au Scrabble, à 8h00 AM heure locale, 4h00 du mat’ pour mon esprit fatigué, décalé..
Sortie de l’aéroport, soleil de plomb, comme d’habitude, 8 000 personnes derrière les barrières, pire qu’au concert de Bruel en 92, le zoo, sauf que l’attraction, les animaux, c’était nous.
Le plan était simple, on tire des roupies à la banque, et on s’tire en tacos dans un des hôtels présélectionnés par mon précieux guide Lonely Planet: How wrong could it go ?
Je passe le militaire, puis pour un ours au zoo de Toirie, et là je panique, pas de banques, pas de visages familiers, à part les autres blanbecs de l’avion au moins aussi perdus qu’moi. Dans une frénésie de gamins hurlants, de saris multicolores et de porteurs de sacs de riz, ILS étaient là, assurément entreprenants. Un des ILS me dit d’pas m’inquiéter et de le suivre « don’t worry » ; mais j’avais un problème, pas un rupee sur moi pour prendre les devants, donc je suis et repasse pour un ours, ré-affronte le militaire, change en une fraction de seconde un billet de 50 euros contre une liasse de vieux roupies défraichis ; je continu à suivre IL devant 1 000 zoophiles en rut jusqu’à une porte : PRE PAID TAXI, IL a vu juste le bougre, me disais-je, IL, dans un anglais dont les accents me sont encore pas familiers, loin de la langue de Shakespeare:
« – Where u go ?
– I would like to go to the city center, please sir
– The beach? Ko~~am BEACH ?
– Yeah.. perfect »
Sur ma carte, Thiruvananthapuram touche la cote, j’en déduis qu’il m’emmène à Thiruvananpoufpouf, près de la mer, là ou je trouverai un hôtel simple et pas cher, proche de la mer et des commerces et des marchés de vêtements colorés et de nourritures épicées..
Je payes mes 375 roupies, autant dire un oeil, et file dans mon taxi prépayé.
Traversant 15 bornes de l’Inde farouche et balbutiante, meurtrie et agitée, je ne comprend pas un mot de ce que mon chauffeur raconte. Il me tend le prospectus d’un hôtel digne d’un palace Deauvillais, et je commence à comprendre en voyant s’éloigner les panneaux Trivandrum et se multiplier les 4 par 3 insolant de ces hôtels à enclos, protégeant de la pauvreté des autochtones errants et misérables.
En croisant plus de blancs que d’indiens à la sortie de mon taxi, je descends le chemin menant à la plage où j’attendais que mon guide m’en dise plus sur cet endroit où les gens me harcèlent déjà.
Tout en lisant mon guide, Roby de son nom me parle constamment. Il m’apprend que nous sommes à Kovalam, anagramme improbable de Malakof me disais-je, page 887 :
» Kerala’s most popular beach-side resort, Kovalam is the scene of chaotic beach-front development, high prices, desperate souvenirs sellers and a dramatic influx of charter groups.. »
Effectivement, comtemplais-je alors que Roby parlait toujours.. Je relis alors Trivandrum page 882:
« ..retains some of old Kerala’s ambiance.. this is still one of India’s most pleasant city. »
« -Rob, d’you know where’s the nearest bus station ? »
Sac à dos et à ventre, je remonte la ruelle et entame le chemin à pied, 5 ou 6 km où, malgré le risque d’insolation à midi pile, je jubile sous les regards devenus tellement plus sympathiques des Indiens que je croise, comme si ils avaient compris que j’étais venu chercher autre chose.
Je monte finalement dans le bus à 7 roupies, me repère dans la ville et me retrouve ce soir au Ganesh Hotel, page 884 : « tucked away in a pleasant part of town, this place has quiet, big, clean rooms. »
Comme on dit : « Suivez le guide ! »
Jeudi 18 Janvier 2007 - Aéroport de Bombay
À 300 km/h, 10 000 mètres du sol, 8 000 bornes à parcourir, 2 000 raisons de partir, au moins autant de ne pas...
Deux voisines, 100 années à elles deux, deux verres d'eau par heure, au moins autant de raisons de se lever, 8 h de vol, 16 fois plus de raisons de renverser leur Cabernet Sauvignon sur mon siège, ma tablette, mon accoudoir, mon petit oreiller et la couverture dont le steward est en rupture de stock.
L'écran de télé de l'année centrale oscille entre ces chiffres, improbablement aléatoires, et une carte où notre avion de la taille de la Corse clignote au-dessus d'une étendue de verdure ensoleillée.
Départ 10h35, décollage 11h40, arrivée 23h30, voyage 8h, ma montre indique encore 21h12, j'me paume dans tous ces chiffres, déjà ce matin, tout était compliqué, aéroport Charles de Gaulle II, enregistrement porte IV, embarquement porte 40, vol AF0134, siège 26C, j'me paume dans tous ces chiffres.. mon bagage n'arrive toujours pas sur le tapis roulant n°10, c'est pas bien grave, j'attrape l'énorme valise de la personne handicapée attendant à coté de moi d'un geste incertain, je flirte avec l'idée d'échanger mon sac toujours manquant alors que la distribution se termine, contre sa place dans le fauteuil et sa valise et constate dans un effroi dissimulé au milieu des autres passagers, la déraison qui s'installe dans le nuage de brume entre mes deux oreilles..
Après avoir finalement retrouvé mon sac et montré mon passeport à littéralement toutes les personnes de l'aéroport assises derrière un bureau, au bout du couloir, j'me retrouve entouré de barrières, retenant plus de personnes que l'ensemble de toutes celles que j'avais croisées depuis une bonne semaine réunies, je scrute au dessus des gens ce paysage lumineusement sombre, mélange de noir et de jaune, de kaki et d'orange et prend une grande bouffée de cet air lourd et parfumé de la sortie de l'aéroport de Bombay...