À 300 km/h, 10 000 mètres du sol, 8 000 bornes à parcourir, 2 000 raisons de partir, au moins autant de ne pas…
Deux voisines, 100 années à elles deux, deux verres d’eau par heure, au moins autant de raisons de se lever, 8 h de vol, 16 fois plus de raisons de renverser leur Cabernet Sauvignon sur mon siège, ma tablette, mon accoudoir, mon petit oreiller et la couverture dont le steward est en rupture de stock.
L’écran de télé de l’année centrale oscille entre ces chiffres, improbablement aléatoires, et une carte où notre avion de la taille de la Corse clignote au-dessus d’une étendue de verdure ensoleillée.
Départ 10h35, décollage 11h40, arrivée 23h30, voyage 8h, ma montre indique encore 21h12, j’me paume dans tous ces chiffres, déjà ce matin, tout était compliqué, aéroport Charles de Gaulle II, enregistrement porte IV, embarquement porte 40, vol AF0134, siège 26C, j’me paume dans tous ces chiffres.. mon bagage n’arrive toujours pas sur le tapis roulant n°10, c’est pas bien grave, j’attrape l’énorme valise de la personne handicapée attendant à coté de moi d’un geste incertain, je flirte avec l’idée d’échanger mon sac toujours manquant alors que la distribution se termine, contre sa place dans le fauteuil et sa valise et constate dans un effroi dissimulé au milieu des autres passagers, la déraison qui s’installe dans le nuage de brume entre mes deux oreilles..
Après avoir finalement retrouvé mon sac et montré mon passeport à littéralement toutes les personnes de l’aéroport assises derrière un bureau, au bout du couloir, j’me retrouve entouré de barrières, retenant plus de personnes que l’ensemble de toutes celles que j’avais croisées depuis une bonne semaine réunies, je scrute au dessus des gens ce paysage lumineusement sombre, mélange de noir et de jaune, de kaki et d’orange et prend une grande bouffée de cet air lourd et parfumé de la sortie de l’aéroport de Bombay…