Trois mois. Trois mois de vagabondage, de surprises, de moments difficiles, mais surtout trois mois inoubliables. Trois mois du sud au nord de l’Inde à suivre les chemins tracés par le Lonely Planet, ce bouquin épais comme le bottin, qui se ballade dans les mains de tous les babtous en vadrouille.
De toutes manières, je pense que chacun voyage à sa façon, chaque voyage est unique, vous pouvez rencontrer 10 personnes aillant visité les mêmes endroits, jamais vous n’entendrez deux fois la même histoire, alors que certain auront passé les meilleurs moments à un endroit, le même aura été le pire des cauchemars pour d’autres… En revanche, force est de constater malheureusement que les plus beaux endroits sont toujours les plus touristiques, ceux où la pression des vendeurs, des rickshaws drivers, des enfants est la plus forte. Une sorte de sollicitation constante dont il faut finir par faire abstraction. Le pire, c’est de réaliser qu’aucune rencontre dans ces endroits-là ne mènera à autre chose que votre main à votre portefeuille. Il faut le savoir. Les arnaques sont présentes à chaque coin de rue, et même en prenant garde on tombe toujours dans les mailles du filet à un moment ou à un autre, en pensant avoir un bon feeling, ou tout simplement pour essayer de se prouver que toutes les rencontres ici ne sont pas que vénales, en vain…
À Bombay, je passe la soirée avec Manou, on vadrouille de bars en bars, il devient saoul assez vite et n’a en fait en tête que de se faire payer à boire et à manger. À Jaipur, un mec nous alpague, nous invite à prendre un Chai, on se raconte nos vies, je lui dis que je cherche des opportunités en Inde, impek, il a un ami qui bosse dans la joaillerie et qui cherche des gens. Scam typique parait-il, il envoie des bijoux en France que vous êtes censés avoir acheté ici, le tout pour éviter les taxes. Il te promet 10 000 euros en échange. Tentant. Une arnaque bien sÛr, une arnaque qui peut te couter les droits de douanes, la valeur des bijoux, voire les deux… Il avait déjà un bon dossier de passeports, tous récents, les pauvres…
On est tombé Emilie et Moi ainsi que Mika, un compagnon de voyage, quasiment simultanément malades comme des chiens, bloqués à Agra. En lisant le guide, il disait qu’un vieux scam avait à priori disparu, des restaurants empoisonnaient des touristes, les menaient à des médecins sans scrupules pour extorquer quelques milliers d’euros aux compagnies d’assurance. Je peux vous dire que quand le tenancier nous a demandé si on avait une bonne assurance on a mis les voiles direct.
Et tous les jours, les mauvaises surprises succèdent aux bonnes et vice-versa, c’est pour cette raison qu’il faut savoir prendre de la distance dès les premiers doutes, en s’excusant, filant à l’anglaise. Heureusement, il arrive d’avoir des bonnes surprises, les indiens sont des gens d’une gentillesse et d’une hospitalité remarquable, il suffit juste de tomber sur les bonnes personnes, comme partout en somme.
Que de souvenirs en tout cas, pour le meilleur et pour le pire. Personnellement, je définirais l’Inde comme le pays des contrastes juxtaposés. Se tenir devant les skyscrappers sur le seafront à Bombay, marcher cinq minutes à l’intérieur de la ville et se retrouver dans un petit marché en terre battue, être ramené cent ans en arrières au milieu des animaux et des enfants qui jouent à se courir après dans vos pattes, et croiser une indienne en Saree avec un téléphone portable qui laisse le tient à la niche. Continuer dans la ville et manquer de se faire renverser 3 fois par une grosse Mercedez blanche alors que toi tu essayes d’éviter les pousse-pousse et les Zébus. Prendre une grande bouffée d’air emplie d’odeur de curry et d’encens et se retenir de rendre la seconde d’après en passant au dessus d’un conduit d’égouts et d’un tas d’immondices…
Le pays des surprises aussi, je dis surprise mais certains prendront ça pour des aberrations. Le code de la route quasi inexistant, l’absence de poubelles dans la rues et de papiers toilettes dans les toilettes, les portes des trains qui ne ferment pas, les gens qui dorment à toutes heures dans les endroits les plus insolites (dos de camion en route, toits d’échoppes ou de taxis..), les animaux : vaches, zébus, biquettes, chiens et autres qui se baladent à droite, à gauche, aussi bien sur le trottoir que sur la route, l’absence du concept de queue à la file indienne (on devrait dire file des indiens d’Amérique d’ailleurs)… c’est bizarre, la liste pourrait continuer indéfiniment, mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que dans ce tableau en apparence chaotique, les choses se passent relativement bien, le klaxon comme moyen de communication sur la route où chacun prend garde aux animaux, les gens derrière les comptoirs apprennent à gérer plusieurs personnes en même temps et quand assez de détritus sont rassemblés, ben quelqu’un y met le feu et brûle le tout…
Trois mois donc, moi qui devait rester cinq.. Pas que je n’en puisse plus, bien au contraire, mais il semble que je suis venu cherché ici quelque chose que je ne parviendrai à trouver.. Je pensais pouvoir trouver du travail, ou un moyen de me créer du travail ici, gagner ma croute quoi, en vain. Les opportunités que j’attendais ne se sont pas présentées, je n’ai pas rencontré les bonnes personnes ou chercher aux bons endroits je ne sais pas… J’aurais toujours pu commencer avec un salaire indien, mais vous vous voyez vous toucher 100 euros par mois ?
Toujours est-il qu’il semblerait que les choses aient bougé en France et que je puisse commencer à creuser mon trou. Il me tarde de travailler en fait. Finies les vacances.. De toutes façons, j’ai fini par me rendre à l’évidence, peu importe le temps que je resterai ici, je serai toujours un touriste. J’ai entendu l’histoire de gens qui vivaient ici depuis des années et qui n’étaient toujours pas intégrés. La différence de culture est trop grande. Tolérés mais pas intégrés.
En revanche, aussi rapidement que les rues s’étendent, les mentalités changent à une vitesse impressionnante, spécialement dans les grandes villes, il y a encore quelques années une femme dans la rue en Jean’s était juste inimaginable, et aujourd’hui les premières mini-jupes font leurs apparitions… Sans rentrer dans les détails de la culture Indienne, détails avec lesquels je suis d’ailleurs assez peu familier (Castes, Marriage forcé…), je peux dire sans trop prendre de risque qu’il ne faudra pas beaucoup de temps pour que les choses changes, on va dans un futur très proche voir émerger une autre puissance capitaliste, qui sera forgée sur un modèle diffèrent, marquée de son histoire et de ses traditions mais bien décidée à prendre une place d’honneur dans l’économie de marché mondiale.
Et comme disais Vicky, one of my « friends »: « In India, everything is possible », c’est pas faux, tout ce qui n’est pas interdit est possible et il y a peu d’interdictions, surtout quand on a de l’argent… Un autre pote, Yorgis, avait une formule consacrée qui ponctuait chacune de ses phrases : « it’s India man, It’s Crazy », j’ai toujours trouvé que ca résumait bien tout…
Des beaux souvenirs donc, la découverte de Thiruvananthapuram, les palmiers de la plage de Varkala, les cours d’hindi à Aranmula, le week-end sur le bateau au milieu des Backwaters, les tournages, l’ambiance et les rencontres de Fort Cochin, rien de bien à Chennai, les petites rues calmes et propres de Pondicherry, Rue Surcouf, Rue labourdonnais, les chemins argileux, la faune et la flore d’Auroville, les grands boulevards et les monuments de Bombay, les flics d’Amedhabad avec qui on a pris des photos au milieu du trafic, le lac Picchola d’Udaipur, les ballades en scotters, le monsoon palace (on a beaucoupbeaucoup aimé Udaipur nous.. ) ; les marchés de bijoux de Jaipur, le Taj Mahal d’Agra..
Et surtout les rétines pleines d’images, les oreilles pleines de sons, de bruits, de cris, de musiques, de quoi se donner le courage de rentrer en France, de se lancer enfin dans la travaillosphère, un milieu assez fermé de nos jours, mais qu’il va bien falloir se décider à accéder…